Il y aura bientôt cinq ans que perdure la crise économique et financière. La voie d'une croissance soutenue exige l'adoption de réformes structurelles, un savant dosage de stimuli ciblés et de contrôle strict des dépenses, du temps et encore beaucoup de sacrifices.

Voilà en substance le message qu'a livré hier l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en dévoilant son scénario économique semestriel.

La croissance évoluera à des vitesses bien différentes selon qu'on se trouve par exemple en zone euro, dans les économies émergentes ou en Amérique du Nord.

La croissance moyenne des 34 pays membres de l'organisme dont le siège social est à Paris sera de 1,6% cette année et de 2,2% l'an prochain. Cette prévision est la même que celle de novembre, mais elle résulte d'une aggravation de la situation économique en Europe compensée par une expansion plus robuste au sein des économies émergentes.

Le Canada devrait faire mieux avec une expansion de 2,2% et de 2,6%, mue avant tout par la consommation des ménages et l'investissement résidentiel et d'entreprise. Le commerce extérieur ne devrait ni stimuler, ni entraver la croissance réelle tandis que la surchauffe du marché de l'habitation devrait s'attiédir avec les resserrements attendus des conditions d'octroi de prêts hypothécaires.

L'OCDE approuve la politique monétaire hautement accommodante, compte tenu des risques baissiers sur les perspectives économiques, mais prévient la Banque du Canada qu'elle devra «envisager un durcissement lorsque ces risques s'éloigneront».

Cette projection colle assez bien avec celle de la notre banque centrale publiée il y a un mois. Nos autorités monétaires voient une avancée de notre économie de 2,4%, en 2012 et 2013.

En revanche, l'OCDE est plus optimiste que la Banque en ce qui a trait à la zone euro. Les deux institutions s'accordent toutefois sur le fait que c'est là que se situe le risque le plus grand à la croissance mondiale.

L'OCDE voit une légère contraction au sein du groupe des 17 cette année avant un retour modéré à la croissance de 0,9% l'an prochain. Même s'il s'agit d'un net recul par rapport à son scénario de novembre, cette prévision paraît optimiste si on la compare au repli de 0,6% suivi d'une relance contenue à 0,8% l'an prochain, selon la boule de cristal de la Banque. «Les pays déficitaires doivent s'attaquer au problème de leur faible compétitivité, alors que dans les pays qui affichent un excédent commercial, un ajustement structurel et une hausse des salaires permettraient la mise en place d'un processus de rééquilibrage propice à la croissance, suggère Pier Carlo Padoan, secrétaire général adjoint et économiste en chef de l'OCDE.

Il ajoute, non sans inquiétude: «Le risque augmente de voir se mettre en place un cercle vicieux associant une dette souveraine obstinément élevée, des systèmes bancaires affaiblis, un assainissement budgétaire excessif et une baisse de la croissance.»

Voilà qui donnera matière à réflexion au sommet des chefs de gouvernements, ce soir à Bruxelles. Cette toile de fond malsaine déborde le groupe des pays qui se partagent l'euro. Au Royaume-Uni, le gouvernement minoritaire conservateur de David Cameron se veut le champion de l'austérité pour rétablir l'équilibre budgétaire, mais on observe néanmoins que le déficit se creuse. En avril, il a atteint 13,8 milliards de livres, contre 9,1 milliards en avril 2011.

De ce côté-ci de l'Atlantique, l'horizon paraît moins orageux. Outre l'expansion modeste de l'économie canadienne, celle des États-Unis devrait atteindre 2,4% et 2,6% en 2012 et 2013. L'OCDE place toutefois un gros bémol à sa prévision de 2013: «La fin programmée des réductions d'impôt et de la prolongation exceptionnelle des prestations de chômage, alliée à des coupes automatiques dans les dépenses fédérales, pourrait se traduire par un brusque repli budgétaire en 2013 qui risque d'entraver la reprise.»

Tout ce scénario repose sur des décisions judicieuses des pouvoirs publics tant dans les économies émergentes qu'avancées, mais surtout dans la zone euro, prévient enfin M. Padoan. «La gestion de la crise va de pair avec la mise en place des institutions nécessaires à un fonctionnement satisfaisant de l'union monétaire.»