Des dirigeants qui encaissent des primes malgré une débandade boursière, un lancement commercial décevant, un placement avorté aux États-Unis... Les actionnaires de Theratechnologies (T.TH) ont fait entendre leurs récriminations hier au cours de l'assemblée annuelle de la biotech québécoise.

L'euphorie de novembre 2010, moment où Theratechnologies avait réalisé l'exploit de faire approuver un médicament aux États-Unis, semblait bien loin. C'est que l'entreprise doit maintenant transformer ce succès scientifique en succès commercial. Et devant les difficultés éprouvées, certains actionnaires s'impatientent.

«Le rendement des actions ordinaires est, pour rester poli, désastreux», a lancé au micro Pierre Cordeau, actionnaire de l'entreprise.

Le titre de Theratechnologies a en effet perdu près de 60% de sa valeur depuis un an. Il a encore cédé 2 cents hier pour clôturer à 1,88$.

Interpellés par plusieurs actionnaires, les dirigeants ont expliqué une partie de la déconfiture par le contexte boursier.

«On n'est pas seul, a plaidé le président du conseil, Paul Pommier. Le marché est faible et volatil, et les entreprises de biotechnologies de petite capitalisation ont écopé.»

Le coeur des inquiétudes a toutefois porté sur les ventes d'Egrifta aux États-Unis, le nerf de la guerre actuellement pour Theratechnologies. L'Egrifta est le fameux médicament que l'entreprise a fait approuver par les autorités américaines et qui permet de réduire la graisse abdominale chez certains patients atteints du VIH.

Les ventes en sol américain ont été confiées au partenaire de Theratechnologies, EMD Serono. Or, même la direction admet qu'elles ne décollent pas comme prévu.

«Nous avions tous des chiffres différents en tête, moi le premier», a avoué le président, John-Michel Huss.

Des primes malgré tout

Malgré cette performance décevante tant en Bourse que sur le plan commercial, les hauts dirigeants de Theratechnologies ont touché 65% de leur prime annuelle l'an dernier. La rémunération du président, John-Michel Huss, arrivé en poste en décembre 2010, s'est élevée à elle seule à 2,7 millions de dollars. L'ancien président, Yves Rosconi, avait touché 721 000$ un an plus tôt.

«On engage un nouveau président et on le paie quatre fois le prix de l'ancien. Mettons que j'ai sauté quand j'ai vu ça», a dit l'actionnaire Sylvain Bernard, rappelant que l'entreprise a supprimé une soixantaine d'emplois l'an dernier pour réduire ses coûts. Un autre actionnaire a parlé de «gestion de complaisance» de la part du conseil.

Le président du conseil, Paul Pommier, a défendu la rémunération de John-Michel Huss en expliquant qu'elle inclut des montants exceptionnels destinés à compenser les pertes subies lorsqu'il a quitté la multinationale Sanofi-Aventis pour prendre la barre de la biotech québécoise.

Quant aux primes, M. Pommier a plaidé que M. Huss n'a le contrôle ni sur le cours de l'action de l'entreprise, ni sur les ventes réalisées par EMD Serono aux États-Unis.

«On fixe des objectifs que lui peut contrôler, et il a atteint ces objectifs», a-t-il dit, pointant les ententes commerciales établies pour commercialiser l'Egrifta dans plusieurs pays du monde.

Les actionnaires ont aussi reproché à l'entreprise d'avoir raté une tentative de placement sur le marché américain. En février 2011, Theratechnologies a préparé un prospectus pour émettre 11 millions de nouvelles actions et inscrire l'entreprise au NASDAQ. Deux semaines plus tard, volte-face: évoquant un prix de placement trop bas, l'entreprise a annulé l'émission des actions.

«Il y a 2 millions qui sont partis directement aux poubelles avec ça, a tonné un actionnaire, Sylvain Bernard. Vous n'aviez aucun feedback du marché? Comment ça se fait qu'avec votre expérience, vous n'ayez pas vu venir le train?»

La direction a évoqué un changement dans le marché pour expliquer la volte-face.

Après avoir raté ses cibles l'an dernier, la direction n'a pas voulu s'avancer à faire des prévisions sur les ventes d'Egrifta cette année. M. Huss a tout de même dévoilé les chiffres les plus récents, qu'il estime encourageants.

«Oui, la transition d'une entreprise de recherche et développement vers cette machine commerciale qu'on veut devenir est un peu plus longue qu'on s'y attendait tous, a convenu John-Michel Huss. Mais je suis confiant qu'on va y arriver.»