Le départ du directeur général de Yahoo! (YHOO) Scott Thompson, à peine cinq mois après son arrivée, va contraindre le groupe américain à se renouveler et pourrait finalement s'avérer être une bonne nouvelle, assurent certains analystes.

Remercié dimanche après une polémique sur des inexactitudes découvertes dans son CV, M. Thompson a été remplacé à titre temporaire par Ross Levinsohn, tandis que Fred Amoroso a été nommé président du conseil d'administation en remplacement de Roy Bostock.

Le pionnier d'internet verra également le patron du fonds Third Point, Daniel Loeb, qui réclamait la tête de M. Thompson, et deux personnes choisies par ses soins, Harry Wilson et Michael Wolf, siéger à son conseil d'administration à partir de mercredi.

«Cette pagaille au niveau de la direction va paralyser Yahoo! pendant au moins plusieurs trimestres», estime l'analyste indépendant Jeff Kagan.

La société, qui empochait 15,7% des revenus publicitaires américains sur internet en 2009, a vu sa part tomber à 9,5% en 2011, selon l'observateur du secteur eMarketer. Et si ces revenus vont atteindre 39,5 milliards de dollars (+23,3%) en 2012, la part de Yahoo! devrait chuter à 7,4%, toujours selon eMarketer.

Mais pour plusieurs analystes, le bouleversement à la tête de Yahoo! peut offrir l'occasion à la société de se repositionner, alors qu'elle est désormais largement distancée par Google dans le secteur de la recherche sur internet.

Sur ce marché, Google était largement en tête en avril, avec 66,5% des recherches effectuées sur internet, devant Microsoft (15,4%) et son moteur Bing, et Yahoo! (13,5%), qui a d'ailleurs signé en 2009 un accord avec Microsoft pour mieux concurrencer Google.

«Avec ses nouveaux dirigeants, Yahoo! pourrait se transformer plus rapidement en une société de médias en ligne très profitable», estime l'analyste Jordan Rohan, à Stifel Nicolaus.

«Plus important encore, nous pensons que le nouveau conseil d'administration va maximiser la valeur de la part que possède la société (dans la firme internet chinoise) Alibaba», poursuit-il.

Plus enthousiaste encore, Henry Blodget, du site spécialisé Business Insider: selon lui, les nouvelles turbulences traversées par le groupe pourraient même être «la meilleure chose arrivée à Yahoo! depuis des années».

Selon Henry Blodget, le groupe peut se réjouir d'avoir désormais à son conseil d'administration des membres possédant l'expertise dont le groupe a besoin. Et avec Ross Levinsohn comme nouveau directeur général, «Yahoo! va enfin être mené par un dirigeant qui connaît le secteur dans lequel le groupe évolue en réalité: les médias numériques», poursuit-il.

Directeur général par interim, M. Levinsohn pourrait mettre à profit son expérience passée à la tête de Fox Interactive Media, la branche nouveaux médias de News Corp., pour détourner Yahoo! de sa lutte contre Google et recentrer la groupe sur les médias numériques, toujours selon Henry Blodget.

Aux yeux de Jordan Rohan aussi, Ross Levinsohn est un bon choix parce qu'il «possède une compréhension intime de ce qui est nécessaire dans le secteur des médias».

Pourtant, aux yeux de Rob Enderle, du consultant Enderle Group, le changement de direction chez Yahoo! risque de ralentir les tentatives de repositionner le groupe.

Ross Levinsohn «est peut-être plus qualifié» que son prédécesseur, qui avait annoncé en avril la suppression de 2000 emplois sur 14 000 pour devenir «plus profitable», pour remettre l'entreprise sur de bons rails, reconnaît-il tout en s'interrogeant sur le fait qu'il reste ou non à la tête du groupe après son interim.

Le défi pour Yahoo! est aujourd'hui de trouver sa voie, selon Rob Enderle: le groupe «doit choisir dans quel secteur il veut évoluer et doit se réinventer et investir dans cette branche», conclut-il.