Après être entré en dormance pendant plusieurs mois, le marché du travail retrouve beaucoup de tonus depuis la fonte des neiges.

En avril, l'économie canadienne s'est enrichie de 58 200 emplois, à temps plein et dans le secteur privé pour la plupart. Cela fait suite à la poussée exceptionnelle de 82 300, en mars, selon les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada. Il faut remonter à 1981 pour retrouver pareille manne de 140 000 emplois en deux mois.

Cet élan a confondu les prévisionnistes, qui avaient parié sur un gain modeste de 10 000 emplois, et propulsé de nouveau le huard au-dessus de la parité avec le billet vert.

Cela n'aura pas suffi toutefois pour faire reculer le taux de chômage. En fait, il est même passé de son creux du présent cycle de 7,2% à 7,3%.

Le même phénomène est observé au Québec où la création de 23 300 jobs, tous à temps partiel cependant, n'a pas empêché le taux des demandeurs d'emploi de grimper d'un dixième, à 8,0%.

Hausse de la population active

Tant au Canada que dans sa société distincte, la population active a grimpé encore plus vite que les capacités des employeurs à embaucher.

D'un océan à l'autre, la cohorte des 16 ans et plus détenant ou cherchant un emploi a gonflé de 72 500 personnes. Son effectif au Québec a augmenté de 29 300 personnes. Il faut y voir le signe que les gens ont confiance dans leurs possibilités de décrocher un emploi.

Le taux d'emploi a d'ailleurs augmenté d'un dixième, à 61,9%, au Canada et de trois dixièmes, à 60,0%, au Québec.

Cette situation est beaucoup plus saine que celle des États-Unis, où le taux de chômage a reculé d'un dixième, à 8,1%, malgré une création d'emploi décevante le mois dernier.

Le marché du travail américain ne s'est toujours pas relevé de la Grande Récession. Depuis juin 2009, la population de 16 ans et plus a augmenté de 7,1 millions d'habitants, ou 3%, alors que la population active est restée la même. «Il s'agit de la tendance la plus faible de la population active en 60 ans et la plus grande divergence avec la croissance démographique à ce jour», faisait remarquer plus tôt cette semaine Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

Depuis juillet 2009, la population canadienne de 16 ans et plus a grossi de 951 900 personnes ou 3,5%, tandis que sa cohorte active a augmenté de 568 000 personnes, soit 3,1%, selon les données de l'agence fédérale fournies à La Presse.

Avec la méthodologie américaine, qui place le seuil de la population active à 16 ans, comparativement à 15 pour la canadienne, notre taux de chômage baisse à 6,4%, soit 1,7 point de moins que le taux américain, tandis que notre taux d'emploi grimpe à 62,6%, soit 4,2 points de pourcentage de plus que le taux de notre grand voisin.

Le secteur des biens

En avril, les nouveaux emplois canadiens se sont concentrés dans le secteur des biens, où il y a eu 70 000 embauches nettes, dont 24 600 dans la construction et 23 800 dans la fabrication. Depuis le début de l'année, l'effectif du bâtiment s'est gonflé de 33 600 personnes, celui en usine de 52 500.

Toutes proportions gardées, le segment foresterie, pêches, mines et extraction d'hydrocarbures s'est montré encore plus robuste avec 11 000 emplois de plus en avril, portant l'ajout cette année à 27 800.

Cette année, le secteur des biens a assuré 122 000 des 140 000 nouvelles embauches, jusqu'ici.

Cette solide performance compense l'anémie apparente du secteur des services qui pèse pourtant deux fois plus dans la taille de l'économie. Les chiffres du Québec sont moins bons qu'il n'y paraît. Les 23 300 emplois nouveaux cachent la disparition de 9000 postes à temps plein. D'avril à avril, l'emploi à temps plein a fléchi de 3200, ce qui contraste avec le bond de 217 300, d'un océan à l'autre.

Le nombre d'heures travaillées en avril était d'ailleurs moins élevé qu'en mars dans la Belle Province.