Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle en lien avec des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

Le Groupe Delom réunit quatre entreprises spécialisées dans la réparation et l'entretien de moteurs et d'équipement rotatif industriel. Les changements dans la structure de gouvernance du Groupe Delom ont permis à cette PME, qui enregistre en 2012 un chiffre d'affaires de plus de 50 millions de dollars et compte plus de 300 employés, de prendre son envol.

Conseil d'administration

Très jeune, Jean-Yves Sarazin lie son destin à celui de l'entreprise créée par son père en 1963. En 1975, peu après son arrivée dans l'entreprise, il suggère l'implantation d'un conseil d'administration (CA) comme outil de gouvernance pour mieux répondre aux défis d'une PME en croissance. Mais son père voit le CA comme un frein, comme une instance à laquelle il faut répondre et cela lui répugne.

La mise en place d'un CA se concrétise en 1986 lorsque Jean-Yves devient PDG de l'entreprise. Un conseiller extérieur spécialisé en formation de CA est mis à contribution. Le groupe est composé de six personnes: quatre personnes externes ainsi que Jean-Yves Sarazin et son père, propriétaire-fondateur.

«Mon père n'était pas content parce qu'il se demandait ce que ces quatre personnes viendraient faire chez nous puisqu'elles ne connaissaient pas le domaine des moteurs. Quand il a vu la dynamique, il était content. Les membres du CA ont fait économiser 40 000$ à l'entreprise dès la première réunion, en réaménageant nos prêts hypothécaires. Mon père a complètement changé sa perception et est resté au CA puis au comité consultatif pendant 10 ans.»

La formation du CA permet à Jean-Yves Sarazin de s'entourer d'une équipe d'administrateurs dont l'expérience et les compétences respectives complètent bien les siennes. Cela vient accroître la crédibilité de l'entreprise et permet à Jean-Yves Sarazin de profiter d'un réseau de relations accru par celui des membres du CA.

«À 35 ans, être accompagné d'un conseil en place fait en sorte d'avoir le soutien financier grâce à la réputation des membres du conseil.»

Selon Jean-Yves Sarazin, en plus de leurs compétences, les membres du CA doivent avoir des expériences pertinentes dans le monde des PME. Ce ne sont pas les administrateurs qui vont résoudre tous les problèmes de gestion. Ils doivent plutôt savoir cerner ces problèmes, parfois aider à les résoudre ou indiquer une entreprise ou une personne qui pourrait aider à le faire.

Comité consultatif

Avec le temps, le maintien d'un CA engendrait des difficultés et des coûts supplémentaires pour couvrir certains risques des administrateurs par des assurances appropriées. C'est pourquoi, après quatre ans de ce régime, Jean-Yves Sarazin décide de mettre en place une structure plus souple.

Il remplace alors le conseil d'administration par un comité consultatif. Contrairement aux membres d'un CA qui sont responsables légalement de tout ce que fait l'entreprise, les membres d'un CC n'encourent aucune responsabilité légale. Ils agissent en tant qu'experts-conseils.

En 2012, le comité consultatif du Groupe Delom compte 10 membres dont 3 membres externes, les directeurs de chacune des quatre entreprises du groupe, le PDG du groupe, le vice-président chargé du développement des affaires, et le frère du PDG.

Deux principes guident Jean-Yves Sarazin dans le choix des membres externes du CC: pas de connaissances personnelles, ni de professionnels qui travaillent pour l'entreprise. Il ne faut pas que les membres du CC soient susceptibles de devenir des fournisseurs ou des consultants de l'entreprise. Selon Jean-Yves Sarazin: «Il faut quatre réunions par année au minimum. Ceux qui tiennent une réunion chaque mois finissent par avoir un comité de gestion. C'est une autre affaire.»

Le plan stratégique du PDG est évalué et validé par le CC. D'après Jean-Yves Sarazin, la formation d'un CC permet aux entrepreneurs de sortir de leur isolement et d'avoir un forum où ils peuvent confronter leurs orientations. Un CC permet aussi de se remettre en question en tant que dirigeant. Il force à réfléchir et à préparer la relève.

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DES INTERROGATIONS

> Y a-t-il des inconvénients à mettre en place un comité consultatif?

> À partir de quand la mise en place d'un CC est-elle souhaitable pour une PME?

> Quelles sont les difficultés et les défis de la gestion d'un CC?

ET QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉPONSE

> Les comités consultatifs sont souvent appelés des «comités aviseurs». Ils permettent d'avoir accès à l'expertise de personnes d'expérience dans des domaines différents. Ces rencontres sont l'occasion pour le dirigeant de PME de sortir de son quotidien afin de penser «stratégie» à plus long terme. C'est aussi le moment d'explorer des voies nouvelles de développement, de réduire l'incertitude et de mieux gérer les risques, d'assurer une meilleure équité dans la structure de rémunération et dans l'évaluation des cadres supérieurs et des dirigeants, etc.

> En outre, pour le dirigeant d'une PME qui évolue souvent seul, cela permet d'échanger en toute confiance avec des personnes expertes sur une foule de sujets parfois difficiles et délicats. Pour les directions en partenariat, cela offre une meilleure harmonie entre les membres de la direction et un cheminement plus rapide vers des consensus.

> Les principaux inconvénients à la mise en place d'un comité consultatif sont reliés au temps requis pour la préparation, chaque année, de quatre rencontres d'une durée de quatre heures chacune.

> Mieux vaut mettre en place un CC dès le démarrage de toute entreprise axée sur la croissance. Le CC vient compléter le travail du mentor et du coach.

> Les défis sont d'identifier des personnes expérimentées et compétentes qui seront en adéquation avec les besoins du dirigeant et de l'entreprise; d'établir une relation de confiance et harmonieuse avec les membres du CC et de maintenir l'intérêt en générant des projets prometteurs et motivants.

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Mircea-Gabriel Chirita (mircea-gabriel.chirita@hec.ca) est doctorant à HEC Montréal. Claude Chapdelaine (claude.chapdelaine@hec.ca) est chargé de cours à HEC Montréal. Louis Jacques Filion (louisjacques.filion@hec.ca) est professeur et titulaire de la chaire d'entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier à HEC Montréal.

La version intégrale de ce cas, intitulée «Relève, gouvernance de PME et comité consultatif: Jean-Yves Sarazin et la direction du Groupe Delom» est disponible à l'adresse suivante: www2.hec.ca/centredecas