La mauvaise humeur des agences de notation à l'endroit de l'Ontario est susceptible de faire augmenter ses coûts d'emprunt, même si sa dette reste attrayante aux yeux des prêteurs canadiens et étrangers.

Les bailleurs de fonds préfèrent jusqu'ici retenir que l'économie ontarienne est encore solide et diversifiée, comme l'a rappelé Standard & Poor's en plaçant la note de crédit de la province sous surveillance avec perspective négative.

Cela pourrait changer toutefois, si se confirmait l'analyse de Moody's. «L'abaissement de la note de l'Ontario reflète le poids grandissant de sa dette et les risques qui entourent la capacité de la province de réaliser son plan fiscal à moyen terme, compte tenu d'une faible perspective de croissance économique, de l'éloignement de la cible d'équilibre budgétaire et des objectifs ambitieux de contrôle des dépenses», estime Jennifer Wong, analyste principale de la dette ontarienne pour l'agence de notation.

Si les coûts d'emprunt de l'Ontario devaient augmenter, cela pourrait entraîner dans son sillage ceux des autres provinces, dont le Québec, le temps que les prêteurs jaugent à nouveau la qualité relative des dettes de chacune des provinces. Pour l'instant, l'Ontario conserve un avantage, d'autant qu'un plus grand nombre de prêteurs sont établis à Toronto plutôt qu'à Montréal.

Ainsi, lundi, l'Ontario a pu lever 750 millions sans difficulté. L'émission de 10 ans s'est vendue avec un écart de 96 centièmes sur les obligations canadiennes de même échéance. Le taux d'intérêt consenti par la province la plus populeuse est de 3,095%, de quoi faire l'envie de plusieurs pays européens.

Le 7 mars, trois semaines avant le dépôt de son budget, l'Ontario avait émis une tranche de 500 millions de même échéance. L'écart avait été de 92,5 centièmes de plus que les titres canadiens et le rendement exigé par les prêteurs de 2,981%.

Cette augmentation relative des coûts d'emprunt doit être mise en perspective. Les taux des obligations canadiennes ont augmenté jusqu'à la mi-avril avant de reculer quelque peu, sous l'effet d'indicateurs économiques décevants.

À preuve, le 24 avril, Québec a consenti un taux de 3,72% pour une tranche de 500 millions venant à échéance en juin 2041. Il s'agit d'un écart de 110,5 centièmes sur une obligation canadienne comparable.

Avant-hier, Québec a vendu une nouvelle tranche de 500 millions de la même obligation. Cette fois, le taux consenti a été de 3,674%, soit un écart de 107 points centésimaux sur la canadienne. «L'émission a obtenu une très bonne réception du marché», précise Jean-François Godin, vice-président recherches chez Valeurs mobilières Desjardins.

Les prêteurs exigent encore un rendement de quelques centièmes plus élevé pour une obligation québécoise que pour une ontarienne venant à échéance dans 10 ou 30 ans.

Cela peut se comprendre. La dette nette du Québec équivaut cette année à 51,5% de la taille de son économie, contre 39,5% pour l'ontarienne. L'écart va se combler en partie au cours des prochaines années, compte tenu de la dégradation persistante des finances publiques de notre voisin occidental. Les déficits des cinq prochaines années alourdiront sa dette de quelque 48 milliards.

Plus les échéances des obligations sont courtes, plus les écarts se referment déjà. Sur le marché secondaire, les taux des obligations québécoises de moins de cinq ans sont même moins élevés depuis quelques semaines.

Pour retrouver cette situation sur le marché primaire des échéances plus longues, il faudra que les investisseurs perçoivent différemment la difficulté de la classe politique à reprendre les choses en mains.

«Ça viendra peut-être si Standard & Poor's met sa menace à exécution», croit M. Godin.