Le bras de fer entre les marchés financiers et la classe politique européenne s'intensifie en sourdine.

Les résultats de la présidentielle, en France, dimanche, sont susceptibles de faire encore monter la pression d'un cran tout comme ceux, moins suivis ici, du scrutin grec.

Depuis que se confirme l'avance du candidat socialiste François Hollande, les coûts d'emprunt de la France augmentent. Leur écart avec ceux de l'Allemagne est passé de 90 à 131 centièmes en deux mois. [Hier, les marchés européens étaient fermés, le 1er mai étant férié.]

C'est une mauvaise nouvelle pour l'aspirant à la présidence quand on sait que le service de la dette est le deuxième poste budgétaire en importance après l'éducation. M. Hollande n'est pas l'apôtre d'un amincissement de l'État.

Déjà, la dette française équivaut à 88% de la taille de son économie, ce qui est bien davantage que les quelque 70% de l'Espagne, pourtant décotée deux fois depuis le début de l'année. Comme le retour à l'équilibre (jamais atteint depuis 1974) est prévu en 2016 seulement, la barre critique des 100% aura été franchie d'ici là.

L'austérité n'est pas populaire parmi les Français. Ils peuvent désormais s'appuyer aussi sur les Néerlandais, dont le gouvernement de coalition est tombé le mois dernier en tentant de faire adopter des restrictions budgétaires pour se conformer au Pacte fiscal européen, convenu en mars.

La chute des Pays-Bas

Les Néerlandais sont aussi froids à l'idée de financer le sauvetage d'autres États qui partagent l'euro, comme ils le font déjà avec la Grèce, l'Irlande et le Portugal. La création du Mécanisme de stabilité financière prévoit pourtant que les États de l'Eurogroupe devront emprunter au prorata de la taille de leur économie pour créer cette cagnotte de 700 milliards d'euros.

«La chute du gouvernement des Pays-Bas signifie que la crise de la dette européenne se propage au sein des membres les plus prospères de la zone euro», ont écrit dernièrement les analystes géopolitiques Pierre Fournier et Angelo Katsoras, de la Banque Nationale.

On peut comprendre les Néerlandais. Ils viennent de rechuter en récession, tout comme plusieurs pays de la zone euro: la Slovénie, l'Italie, l'Irlande, la Grèce, le Portugal, la Belgique et l'Espagne. Tous ont adopté des plans de restrictions budgétaires, si chers à l'Allemagne, pour se conformer, qui au Pacte fiscal, qui au plan de sauvetage orchestré avec le concours du Fonds monétaire international.

Ils ne sont pas les seuls. Le Danemark, la République Tchèque et le Royaume-Uni, tous des membres de l'Union européenne qui ont conservé leur monnaie, sont aussi retombés en récession sous le poids des plans d'austérité.

Voilà pourquoi le candidat Hollande préfère parler de relance plutôt que d'austérité, des paroles qui ont bonne écoute dans un pays où la taille de l'État est aussi grande que la méfiance populaire envers les marchés.

M. Hollande veut taxer davantage les banques et les sociétés pétrolières, frapper les revenus des particuliers qui dépassent le million d'euros d'un taux d'imposition de 75% et même renégocier le Pacte fiscal européen.

Ce dernier prévoit notamment limiter à 3% de la taille du produit intérieur brut (PIB), le déficit budgétaire et le remboursement d'un vingtième par année de la portion de la dette publique qui excède 60% du PIB. Cette dernière clause paraît hors d'atteinte pour plusieurs pays, dont la France.

Prêter directement aux États

M. Hollande demande aussi à la Banque centrale européenne de prêter directement aux États, ce qui est contraire à sa loi constitutive.

En lieu et place, son président, Mario Draghi, a préféré jusqu'ici prêter quelque 1000 milliards d'euros pour une durée de trois ans à 1% aux institutions financières européennes. Une partie de cette somme a été réinvestie par ces mêmes banques dans des obligations souveraines de leur pays. À court terme, cela a diminué leurs coûts d'emprunt.

Le portefeuille de leurs banques se gonfle cependant de plus en plus de créances à risque alors qu'elles doivent augmenter leur capitalisation pour se conformer aux Accords de Bâle III.

Pendant ce temps, d'autres prêteurs potentiels placent leurs capitaux ailleurs que dans la dette publique européenne qui semble intéresser de moins en moins les pays les plus riches de la zone euro.

Les investisseurs bouderont bientôt aussi les banques européennes, relançant la spéculation sur l'éclatement de la zone euro.