Microsoft (MSFT), en investissant 300 millions de dollars dans l'édition numérique du libraire Barnes & Noble (BKS), s'offre une application de lecture maison pour les futures tablettes sous son système Windows 8, et quelques recettes à glaner dans ce secteur en pleine expansion.

Cet investissement, modeste au regard des quelque 60 milliards de dollars de liquidités du géant des logiciels de Redmond, lui confèrera 17,6% du capital d'une société commune d'édition numérique, ont annoncé Microsoft et Barnes & Noble.

Surtout, Microsoft s'assure que les titres de la librairie numérique Nook accessibles actuellement sur les liseuses de Barnes & Noble du même nom, ainsi que sur les appareils sous Android (système de Google) et ceux d'Apple (système iOS), deviennent également accessibles sur les appareils fonctionnant sous son système d'exploitation Windows.

C'est crucial à l'approche de la sortie, attendue dans les mois qui viennent, de Windows 8, où Microsoft voit un vecteur pour enfin s'imposer sur un marché des tablettes dominé par l'iPad d'Apple et une série d'appareils sous Android.

«Il faut à Microsoft toutes les applications possibles pour Windows 8», explique à l'AFP Neil McDonald, analyste de Gartner.

En revanche les deux sociétés n'ont rien dit de la possibilité de développer ensemble de nouvelles liseuses ou tablettes. «Est-ce qu'un Nook pourrait être créé sous Windows 8 et rester concurrentiel avec des Nook très entrée de gamme sous Android?» s'interroge M. McDonald.

À l'occasion de cet accord, les deux parties ont par ailleurs réglé les contentieux qui les opposaient, en particulier sur l'utilisation de brevets que Microsoft reprochait à Barnes & Noble de violer, et Microsoft recevra une part des recettes d'édition numérique du libraire.

Microsoft, qui avait semblé jeter l'éponge dans l'édition numérique en annonçant l'an dernier l'arrêt de son application Microsoft Reader, reprend donc position dans le secteur en s'associant cette fois avec un acteur du secteur qui a su déjà se faire une place respectable sur le marché américain, face au pionnier Kindle d'Amazon et en résistant à l'arrivée de l'iBookstore d'Apple.

De son côté, Barnes & Noble, qui souffre dans son activité de libraire classique, a trouvé un ballon d'oxygène vital. Les investisseurs ravis faisaient bondir le cours de l'action lundi (+65,2% à 22,6$ vers midi).

Désormais, la seule coentreprise d'édition numérique est valorisée à 1,7 milliard de dollars, bien au-delà des quelque 795 millions de dollars que valait en Bourse Barnes & Noble la semaine dernière.

Pour M. McDonald, cette valorisation présente un avantage supplémentaire pour Microsoft, qui s'assure que Nook devient une cible moins tentante pour d'éventuels prédateurs: «même si Barnes & Noble décidait une scission de cette activité, cela rend la valorisation très élevée, ce qui dissuade les concurrents», explique-t-il à l'AFP.

Ce qui signifie que Microsoft pourrait répéter une stratégie qui lui avait réussi quand il avait décidé en 2007 d'acheter 1,6% de Facebook pour 240 millions de dollars, ce qui valorisait alors ce site à 15 milliards de dollars.

Depuis lors, non seulement la valeur de cet investissement a été multipliée par plus de 6, mais Facebook est resté indépendant plutôt que de tomber dans l'escarcelle de Google ou Apple.

De son côté, Barnes & Noble a souligné que l'opération avec Microsoft n'augurait en rien des décisions stratégiques qui pourraient être prises concernant la filiale.

«Il n'est pas possible de donner l'assurance que la réflexion engagée (autour de la nouvelle filiale) débouchera sur une scission ou la création d'une entreprise cotée indépendante et il n'y a pas de date butoir fixée pour conclure cette réflexion», a-t-il mis en garde.