Pour la septième saison consécutive, les Maple Leafs de Toronto rateront les séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey (LNH), qui commencent demain. S'il peut y avoir plusieurs changements dans la Ville reine, un pilier des Maple Leafs est assuré de garder son poste: le Montréalais Ian Clarke, chef de la direction financière de Maple Leaf Sports & Entertainment (MLSE).

Malgré leurs déboires sur la glace, les Maple Leafs restent - et de loin - l'équipe la plus riche de la LNH. Selon Forbes, les Maple Leafs ont généré des profits de 81,8 millions de dollars en 2010-2011. Pas étonnant qu'Ian Clarke, vétéran de 22 ans chez les Maple Leafs, leur soit aussi indispensable que leur as marqueur Phil Kessel. «Nous améliorons notre service à la clientèle, nous faisons des sondages, nous investissons dans nos infrastructures, dit Ian Clarke en entrevue à La Presse Affaires. Mais surtout, nos actionnaires, dont Larry Tanenbaum qui est un grand entrepreneur, ont toujours souhaité faire croître l'entreprise au lieu de se reposer sur leurs lauriers.»

Même s'il a grandi à Montréal, Ian Clarke n'a pas hésité une seconde avant de devenir le grand argentier des Maple Leafs en 1990. Un élément a toutefois facilité sa décision: dans les rues de la banlieue ouest, ce fils d'immigrants de la Barbade n'a pas grandi avec le CH tatoué sur le coeur, mais bien avec un chandail des Bruins de Boston - celui de son idole Bobby Orr - sur le dos. «J'étais un droitier naturel au hockey, mais comme Bobby Orr lançait de la gauche, je suis devenu ambidextre!», dit ce comptable toujours affable et souriant.

De Concordia à la Ville reine

Comment ce Montréalais de 52 ans est-il devenu le numéro trois de MLSE, le plus important conglomérat sportif du pays qui possède aussi les Raptors (NBA) et le Toronto FC (MLS)? Fort en mathématiques, Ian Clarke fait son bac en comptabilité à l'Université Concordia au début des années 80. À la fin de ses études, sa femme envoie son CV à son insu à des firmes comptables de Toronto. «Je n'étais pas complètement bilingue et il y avait moins d'emplois à Montréal qu'à Toronto», dit-il.

Engagé chez KPMG à Toronto, il tisse des liens durant six ans avec plusieurs clients prestigieux, dont Maple Leafs Garden, l'entreprise d'Harold Ballard qui détient à la fois l'équipe de hockey et le prestigieux aréna. Quand Ian Clarke devient chef des finances de Maple Leaf Garden en 1990, sa mère Murielle n'est pas étonnée. «Ian a toujours été consciencieux dans son travail et il a toujours aimé les sports», dit-elle.

Pour l'amateur de sport en lui, c'est un emploi de rêve. Pour le comptable, c'est un défi de taille, car les Maple Leafs traversent, au début des années 90, l'une de leurs périodes les plus tumultueuses sur le plan des affaires. Harold Ballard, propriétaire depuis 1961, vient de mourir et sa succession exploite l'équipe en attendant de trouver un acheteur. «C'était fascinant, se rappelle Ian Clarke. Tout le monde rôdait autour des Maple Leafs comme on rôde autour d'un diamant, dit-il. Beaucoup de gens faisaient des offres très basses.»

L'homme d'affaires Steve Stavro et Teachers' mettent finalement la main sur les Maple Leafs en 1994. Quatre ans plus tard, les Maple Leafs achètent les Raptors et leur nouvel amphithéâtre, le Air Canada Center. Le conglomérat sportif MLSE, auquel s'ajoutera le club de soccer Toronto FC en 2006, vient de naître. Et Ian Clarke se retrouve aux commandes des finances de l'empire, qui symbolise bien l'évolution de l'industrie du sport professionnel.

«À mes débuts en 1990, les équipes de sport étaient encore gérées comme des entreprises familiales, dit Ian Clarke. Si on avait 10 millions, on pouvait acheter une équipe et avoir du plaisir. L'industrie a changé dans les années 90 et 2000 avec la hausse des salaires et la construction de nouveaux amphithéâtres. Aujourd'hui, il faut de 500 millions à 1 milliard pour avoir une équipe de renom et on peut perdre 15 millions par année si elle est mal gérée.»

MLSE a la cote dans les milieux financiers torontois. Si elle était en Bourse, l'entreprise évaluée à 2 milliards de dollars ferait partie des 70 des plus grandes capitalisations boursières du TSX. Mais ailleurs dans la Ville reine, les dirigeants de MLSE subissent parfois les foudres de leurs partisans qui les croient plus préoccupés par les profits que par les championnats. Les faits ne jouent pas en faveur de MLSE: pour la quatrième année consécutive, les Maple Leafs, les Raptors et le Toronto FC rateront tous les séries. «Je vous assure que nous faisons tout pour gagner, dit Ian Clarke. Nous pouvons toujours améliorer l'expérience du client, mais ce qu'il veut le plus est de voir son équipe gagner et nous aussi.»

Il passe son tour

Malgré son statut de grand argentier, Ian Clarke passe généralement inaperçu au Air Canada Center. Un anonymat qui risque de durer encore quelques années puisqu'il n'a pas posé sa candidature en 2011 pour le prestigieux poste de PDG de MLSE. «J'y ai réfléchi, mais j'ai décidé de ne pas le faire à ce stade-ci de ma carrière», dit-il. Il devait connaître son nouveau patron en décembre dernier, mais le processus d'embauche a été retardé en raison de la vente de MLSE à Bell et Rogers.