Ouf! Le marché du travail, qui stagnait depuis l'été d'un océan à l'autre et qui paraissait même s'être effondré au Québec, a retrouvé du tonus le mois dernier.

Les données de l'Enquête sur la population active (EPA), menée auprès de quelque 56 000 ménages d'un bout à l'autre du pays par Statistique Canada, font état d'un ajout de 82 300 emplois en mars, dont 36 400 au Québec.

Voilà pourquoi le taux de chômage est passé de 7,4% à 7,2% en moyenne au pays, malgré l'addition de 52 500 personnes à la cohorte de la population active. Il s'agit du taux le plus faible du présent cycle.

Au Québec, le taux des demandeurs d'emploi a reculé de cinq dixièmes, à 7,9%, le plus faible en cinq mois.

En dépit du fort rebond de l'emploi en mars, le meilleur depuis les 420 000 de juin 2005, le Québec n'a cependant récupéré que les deux tiers des emplois perdus depuis l'été, alors que le Canada en a modestement ajouté 7500 en moyenne par mois.

«Il faudra encore quelques bons mois pour nous convaincre d'une véritable revitalisation de l'emploi», affirme Emanuella Enenajor, économiste chez CIBC.

Depuis mars 2011, le Québec compte à peine 200 emplois de plus, ce qui contraste grandement avec le gain de 197 200 d'un océan à l'autre.

«Au Québec, les gains de mars se répartissent également entre le privé et le public, contrairement au Canada et en Ontario, où les ajouts sont majoritairement dans le secteur privé, fait remarquer Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins. Le travail à temps plein récolte les deux tiers des nouveaux emplois au Québec, tandis qu'il a une plus large majorité au Canada (85%) et la totalité en Ontario.»

Dans l'ensemble du pays, 11,18 millions de Canadiens détenaient un emploi dans le secteur privé, ce qui constitue un nouveau sommet.

Il s'agit d'une donnée rassurante dans la mesure où les politiques d'austérité fiscale vont mordre durant tout le reste de l'année.

Toujours à l'échelle canadienne, le tiers des nouveaux emplois provient du secteur des biens, où seule l'agriculture a réduit ses effectifs.

En dépit du temps exceptionnellement clément qui a favorisé l'industrie de la construction, l'embauche nette de 8700 personnes n'y est pas hors norme.

L'addition de 11 800 personnes en usines porte à 28 200 la création d'emplois dans ce secteur névralgique du commerce extérieur.

Au Québec, l'effectif en usine s'est gonflé de 6100 personnes, portant la somme des embauches nettes à 8800 depuis le début de l'année.

«En dépit des bonnes nouvelles de mars, le taux de croissance annuel de l'emploi manufacturier reste négatif pour le 11e mois consécutif, rappelle Audrey Azoulay, directrice, recherche et relations gouvernementales, chez les Manufacturiers et exportateurs du Québec. Ce même taux est resté négatif pendant 33 des 36 derniers mois.»

Les 82 300 emplois de plus en mars représentent l'apport mensuel le plus important en trois ans et demi. Plusieurs économistes ont exprimé l'avis que le temps exceptionnel a pu déjouer les mécanismes de désaisonnalisation de l'EPA. Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale, a pour sa part maintes fois exprimé des doutes sur les chiffres dramatiques pour le Québec l'automne dernier, car ils étaient synonymes de récession. «À la lumière de ce développement, Statistique Canada devrait étudier et expliquer la volatilité extrême des données provinciales à ce moment-ci du cycle économique. Après tout, ne sommes-nous pas arrivés à un moment crucial de l'établissement des politiques fiscale et monétaire au Canada?»

Malgré sa volatilité, l'EPA indique la perte de 6600 emplois dans le segment des services aux entreprises, au Québec. Elle a donc capté la fermeture des ateliers Aveos.

La bonne tenue du marché du travail en mars paraît garante d'un regain de tonus de l'économie canadienne. On saura lundi un peu mieux si telle est la perception du secteur privé avec les données trimestrielles de l'Enquête sur les perspectives des entreprises menée par la Banque du Canada.