Il aura fallu 3,38 milliards de dollars et la plus importante transaction de l'histoire des médias au pays, mais Bell peut enfin rivaliser avec Quebecor à armes égales au Québec.

En achetant Astral Media, Bell devient un véritable empire médiatique au Québec : numéro un à la radio et numéro deux de la télé, tout juste derrière Quebecor. « Ça amène la concurrence à un autre niveau », a reconnu George Cope, président et chef de la direction de Bell, hier lors de l'annonce officielle de la transaction au siège social d'Astral à Montréal. La Presse rapportait la nouvelle en primeur dans son édition d'hier matin.

Quebecor n'a pas commenté hier la transaction, qui change complètement le paysage médiatique québécois. Avant son dernier coup d'éclat, Bell possédait une seule station de télé francophone d'envergure : le Réseau des sports (RDS). « Nos actifs télé n'étaient pas assez forts au Québec sauf en matière de sport », dit George Cope. En achetant Astral, Bell met la main sur 22 chaînes de télé spécialisées et payantes, dont 13 chaînes francophones (ex : Canal Vie, Canal D, Séries+, VRAK.TV), 84 stations de radio dont celles des réseaux NRJ, Rouge fm et Virgin Radio, ainsi que 9500 panneaux d'affichage publicitaires urbains au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Selon Bell, cette acquisition cadre parfaitement dans son « plan de match » : avoir du contenu pour décliner sur toutes les plateformes de diffusion, de la télé traditionnelle au téléphone cellulaire en passant par les tablettes électroniques. « Les consommateurs sont gagnants car ils auront plus de choix », dit George Cope.

D'autres prétendants auraient courtisé Astral Media, dont Rogers et le tandem Cogeco-Corus (voir texte en page 4). Mais au final, le président et chef de la direction d'Astral, Ian Greenberg, dont la famille détient 63% des droits de vote, a préféré l'offre de Bell, qui représente une prime de 38% sur le cours de l'action jeudi à la clôture de la Bourse de Toronto.

Bien sûr, l'argent a été un facteur déterminant. Mais Bell et Astral avaient aussi besoin l'un de l'autre. « Dans ce nouveau monde des médias, ces deux entreprises vont ensemble », dit George Cope, qui a louangé la « culture entrepreneuriale d'Astral ».

Ayant peu de radios et de chaînes de télé francophones, Bell n'a pas l'intention de tout chambarder chez Astral. Bell gardera la haute direction d'Astral Media à Montréal. Le nom Astral restera, même si l'entreprise se fondera dans la division de Bell Média. « Nos philosophies d'entreprise se rejoignent, dit Ian Greenberg, qui entrera au conseil d'administration de Bell quand la transaction sera complétée officiellement dans environ six mois. Bell s'est engagée à poursuivre notre vision. Les marques d'Astral seront des éléments importants de la stratégie de croissance de Bell. C'est pourquoi je crois que Bell est le meilleur domicile pour Astral.»

Ian Greenberg, 70 ans, s'est néanmoins dit « nostalgique » de vendre l'entreprise fondée avec ses trois frères en 1961. Depuis 1999, Astral est une entreprise uniquement de médias. « Nous n'avions jamais pensé à l'époque que l'entreprise deviendrait l'une des plus importantes du secteur des médias au pays », dit Ian Greenberg.

Dans l'industrie des médias, Astral est un exemple de rentabilité. Son modèle d'affaires, basé sur le succès de la télé spécialisée et des redevances payées par les abonnés du câble, a fait plusieurs jaloux. « Astral a eu 61 trimestres de croissance consécutive des profits, dit George Cope. La première chose que nous voulons, c'est de continuer de faire ce qu'Astral fait tous les jours. Et nous voulons déployer plus de leur contenu plus vite sur nos plateformes mobiles, ce qui pourrait générer plus de revenus. »

Bell éliminera quelques emplois administratifs - les deux entreprises étaient inscrites en Bourse -, mais le nouvel acquéreur se voulait rassurant hier pour l'ensemble des employés d'Astral. « Bien sûr, le fait de réunir deux entreprises inscrites en Bourse nous forcera à éliminer des dédoublements au niveau corporatif, mais c'est une transaction effectuée dans une perspective de croissance pour les employés comme pour les actionnaires », dit George Cope.

Pour satisfaire aux règles du CRTC, Bell devra vendre quelques stations de radio d'Astral dans le Canada anglais, mais rien au Québec. La transaction doit aussi être approuvée par le Bureau de la concurrence. George Cope est confiant que les autorités réglementaires fédérales lui permettront d'acquérir Astral Media. Bell pourrait faire valoir que son rival Quebecor pèse déjà plus lourd que lui autant dans la distribution (télé, internet, téléphonie) et au petit écran, en plus de posséder deux quotidiens et des dizaines d'hebdos au Québec. Certains précédents jouent toutefois en sa défaveur. En 2003, le CRTC a annulé une transaction qui aurait permis à Quebecor d'acquérir des stations de radio à Montréal pour des raisons de concentration de presse.



Bell


> Profits de 3,3 milliards sur des revenus de 19,5 milliards en 2011

> Une seule chaîne de télé généraliste: CTV

> 31 chaînes spécialisées, dont RDS, CTV 2, TSN, BNN, MTV, Much Music, Bravo!, Discovery, Comedy, Space

> 32 stations de radio, dont TSN Radio

> Le principal fournisseur d'accès à la télé (2,1 millions de clients), à l'internet (2,1 millions de clients) et à la téléphonie (6,1 millions de clients en téléphonie locale et 7,4 millions en téléphonie sans fil) au pays.

Astral Media

> Profits de 234 millions sur des revenus de 1,0 milliard en 2011

> 12 chaînes spécialisées: Canal Vie, Canal D, Séries+, VRAK.TV, Ztélé, TÉLÉTOON, MusiquePlus, etc.

> 8 chaînes de télé payante dont Super Écran, The Movie Network, HBO Canada

> 84 stations locales de radio: dont les réseaux NRJ, Rouge FM et Boom FM

> 9500 panneaux d'affichage publicitaires urbains au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique

Quebecor

> Profits de 201 millions sur des revenus de 4,21 milliards en 2011

> Plus important câblodistributeur du Québec, troisième au pays

> Première chaîne de journaux au Canada

> Plus important réseau de télévision privé française en Amérique

> Premier éditeur de magazines francophones au Québec

> 1 861 500 abonnés à la télé par câble, dont 1 400 800 à Illico télénumérique

> 1 332 500 clients Internet par câble

> 1 205 300 clients de service de téléphonie par câble

> 290 600 lignes de téléphone mobile

> 26 quotidiens vendus, 6 gratuits et 236 hebdos

> 8 portails d'informations de quotidiens, 223 portails de journaux locaux, 8 portails du réseau Canoë

> Groupe TVA, et de 10 chaînes spécialisées : LCN, Argent, Prise 2 , YOOPA, CASA, addik tv, Mlle, TVA Sports, Sun News, Indigo (télé à la carte)

75 magazines généralistes et de divertissement

Propriétaire des boutiques de livres et musique Archambault et des SuperClub Vidéotron

17 maisons d'édition avec Éditions CEC et le Groupe Sogides

Propriétaire de Nurun, qui fait dans les stratégies de communications interactives