Tant à l'échelle internationale que canadienne, la Banque du Canada manifeste un peu moins d'inquiétude qu'au cours des derniers mois. Au point où plusieurs prévisionnistes devancent de quelques mois la date où ils jugent que les autorités monétaires canadiennes reprendront la normalisation du taux cible de financement à un jour.

«L'évolution récente donne à penser que les perspectives de l'économie canadienne se sont légèrement améliorées par rapport à celles présentées dans le rapport sur la politique monétaire en janvier», lit-on dans le communiqué de la Banque annonçant la reconduction de son taux directeur à 1%, en place depuis septembre 2010. «Même si l'économie connaîtra probablement une expansion plus rapide que prévu au premier trimestre en raison de facteurs temporaires, le rythme sous-jacent de l'activité demeure aux alentours de son niveau tendanciel, la robustesse de la demande intérieure contrebalançant la faiblesse de la conjoncture extérieure.»

En janvier, la Banque projetait une croissance annualisée de 1,8% aux premier et deuxième trimestres.

Vendredi, Statistique Canada a révisé fortement à la hausse la croissance annualisée du troisième trimestre, la faisant passer de 3,5% à 4,2%.

«Le PIB est maintenant plus proche du potentiel que ce que pensait la Banque en janvier, notent Paul-André Pinsonnault et Krishen Rangasamy, économistes à la Banque Nationale. L'écart de production, calculé avec les hypothèses de croissance de la Banque de janvier, devrait maintenant se résorber un peu plus tôt qu'au troisième trimestre 2013.»

Le nouvel optimisme prudent du communiqué n'a pas échappé aux intervenants sur les marchés des devises. Le huard a gagné un quart de cent sur le billet vert dans les minutes suivant sa publication et a poursuivi son ascension durant toute la séance.

Le risque principal: l'endettement des ménages

Les autorités monétaires précisent que c'est la demande privée qui assurera avant tout la croissance, au moment où les gouvernements amorcent tous des plans d'austérité afin de ramener l'équilibre budgétaire. «Les dépenses des ménages canadiens devraient rester élevées par rapport au PIB alors que l'endettement de ceux-ci continue de s'accroître, ce qui demeure le principal risque interne», précise la Banque.

L'équipe de Mark Carney se montre préoccupée par ce risque depuis plus d'un an, mais elle compte avant tout sur le ministère des Finances pour restreindre davantage le crédit, surtout pour l'achat d'une maison. On en saura sans doute davantage lors de la présentation du budget de Jim Flaherty, le 29 mars.

La décision de la Banque de Montréal d'abaisser, jusqu'au 28 mars, le taux de ses prêts hypothécaires de 5 ans à 2,99% et de 10 ans à 3,99% n'est pas de nature à rassurer les autorités monétaires, pas plus d'ailleurs que la vigueur des mises en chantier le mois dernier, selon les données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. BMO fait cependant cavalier seul jusqu'ici. La Banque TD et la Banque Royale ont répliqué en offrant un taux de 2,99%, mais sur une échéance de quatre ans et seulement pour de nouveaux prêts. Le ton plus ferme de la Banque du Canada incite peut-être les autres institutions à la prudence.

«Même si la Banque du Canada n'est pas encore tout à fait prête à signaler clairement une hausse du taux directeur, elle se rapproche peu à peu de cette éventualité», juge Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

La Banque prend acte aussi des signes de stabilisation en Europe, de l'expansion modeste aux États-Unis et du ralentissement prévu de l'économie chinoise qui croît tout de même rondement.

Des pressions inflationnistes accrues, mais contenues

L'expansion plus forte de l'économie canadienne, jumelée à des prix des produits de base plus élevés qu'anticipé, entraîne une inflation globale et une inflation de base légèrement plus fermes qu'anticipé, reconnaissent les autorités monétaires. Elles s'attendent désormais à ce que toutes deux convergent à nouveau vers la cible de 2% dès le troisième trimestre jusqu'à la fin de 2013 «sous l'effet conjugué d'une progression modeste de la rémunération du travail, d'une économie tournant avec le temps aux alentours de son potentiel et des attentes d'inflation bien ancrées».

Tout comme elle fait depuis plus d'un an, la Banque rappelle enfin qu'avec un taux directeur près de son creux historique et un système financier qui fonctionne bien, «la détente monétaire au Canada est considérable».

«Même si les taux ne bougeront sans doute pas de sitôt, le prochain geste de la Banque risque davantage d'être une hausse qu'une baisse, susceptible de survenir plus tôt que notre prévision actuelle (automne 2013), affirme Sal Guatieri, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

RBC n'écarte pas pour sa part une première hausse vers la fin de l'année en cours.

La prochaine date d'établissement du taux directeur est le 17 avril. Le lendemain, la Banque publiera son nouveau scénario économique.