Imaginez une boîte dans laquelle vous pourriez jeter vos sacs remplis d'ordures, appuyer sur un bouton... et les voir disparaître. De la science-fiction? Non. De telles boîtes existent. Et elles sont fabriquées à Montréal.

Terragon, jeune entreprise derrière l'idée, en a même déjà vendu quelques-unes qui sont actuellement testées dans des endroits aussi divers qu'un navire de la marine canadienne, un camp d'entraînement de l'armée américaine à Hawaii, un Club Med des Bahamas et le Château Montebello, en Outaouais.

«La façon classique de gérer des déchets, c'est de s'en débarrasser en les envoyant ailleurs. Mais ce n'est pas toujours possible. Si vous êtes sur un navire, sur une base militaire, dans un complexe hôtelier isolé, dans une île ou dans une communauté éloignée, vos déchets, vous êtes pris avec», illustre Theodora Alexakis, vice-présidente, développement des affaires, chez Terragon.

Mme Alexakis montre une photo des environs du village québécois d'Inukjuak, dans le Nunavik, où on ne voit qu'une montagne d'ordures.

«Le village est littéralement entouré d'une bande de déchets. La plupart du temps, comme à bien des endroits, on finit par verser de l'essence là-dessus, on craque une allumette et on fait brûler les ordures. Or, c'est non seulement nocif pour l'environnement, mais c'est aussi dangereux pour les populations», dit Mme Alexakis.

Terragon a été fondée en 2004 avec la conviction qu'il y avait moyen de faire mieux. Six générations de prototypes plus tard, l'entreprise s'apprête à commercialiser un système qu'elle présente comme «l'appareil de traitement de déchets solides domestiques le plus compact et respectueux de l'environnement au monde».

Déchets chauffés à blanc

L'appareil prend la forme d'une boîte métallique de trois mètres de longueur, de deux mètres de profondeur et de deux mètres de hauteur. Lancez-y un sac de déchets et il sera d'abord chauffé à blanc à 750 degrés Celsius. Les os de poulet, morceaux de plastique, papiers et autres résidus d'huiles sont alors transformés en gaz.

Ce gaz est ensuite envoyé dans une autre chambre encore plus chaude - 1100 degrés Celsius - où il s'enflamme. Le gaz résiduel produit est ensuite nettoyé pour s'assurer qu'il respecte les normes environnementales, puis rejeté dans l'atmosphère.

«Au bout du compte, tout ce qui reste, c'est ça», dit Mme Alexakis en montrant un petit pot de verre contenant des cendres noires. C'est ce que Terragon appelle du «biocharbon» - du carbone sous une forme pratiquement pure, qui n'est aucunement nocif.

Soutien militaire

Terragon, qui emploie aujourd'hui une cinquantaine de personnes, a pu mettre au point l'appareil notamment grâce au soutien des marines canadienne et américaine, qui souhaitent utiliser la technologie sur leurs bateaux.

Les complexes hôteliers, hôpitaux, plateformes en mer et bases militaires font aussi partie des marchés ciblés. Terragon, qui démarrera bientôt ses ventes, espère écouler 100 unités d'ici à avril 2013 et 500 unités avant la fin de l'année 2014. Prix de vente: autour de 300 000$.

Mais pas question de faire reposer le succès de Terragon sur un seul produit. Dès 2006, l'entreprise a commencé à plancher sur des systèmes capables de traiter les eaux usées. Comme pour les déchets solides, l'entreprise vise à construire un produit compact, peu coûteux, facile à utiliser et respectueux de l'environnement.

Trois appareils sont déjà en train d'être testés, dont l'un sur un navire et l'autre sur la maison d'un particulier nichée dans une petite île au large de la Colombie-Britannique. Terragon espère commercialiser ses systèmes de traitement des eaux dès l'an prochain.

Prochaine étape: intégrer les appareils de déchets solides et de traitement des eaux en un seul et même système. Cela permettrait entre autres de récupérer les boues qui sortent des systèmes de traitement des eaux... et de les gazéifier dans les boîtes à ordures nouveau genre de Terragon.

Si les ventes suivent les prévisions de Terragon, l'entreprise pourrait atteindre le point de rentabilité dès l'an prochain. Quant aux employés, qui travaillent dans de superbes locaux aménagés dans une ancienne usine de textile du sud-ouest de Montréal, leur nombre devrait rester assez stable.

«On veut demeurer une petite société, dit Mme Alexakis. Notre croissance se fera par l'entremise de nos partenaires commerciaux, qui nous soutiennent depuis longtemps et démontrent beaucoup d'intérêt pour nos appareils.»

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TERRAGON

Fondateur et président

Panayotis (Peter) Tsantrizos

Partenaire financier

Technologies du développement durable du Canada. La marine canadienne et la marine américaine, Club Med et d'autres partenaires sont aussi engagés dans la démonstration des appareils.

Le concept en 140 caractères

Terragon conçoit et fabrique des systèmes capables d'éliminer sans risque les déchets des habitats isolés et de traiter leurs eaux usées.

Objectifs d'ici un an:

Vendre 100 unités du système de gestion de déchets d'ici à avril 2013 et commencer la commercialisation des systèmes de gestion des eaux.