L'engagement des entrepreneurs au programme «Pilotez votre succès» dépasse largement leur simple passion pour les voitures de haute performance et la course automobile. Pour au moins trois d'entre eux, encourager les jeunes à la persévérance scolaire et stimuler leur capacité à rêver a quelque chose de thérapeutique. Même s'ils sont devenus des entrepreneurs à succès, les trois ont connu l'échec scolaire et en ont été marqués.

Il s'agit quand même d'une belle coïncidence. Sur la trentaine d'entrepreneurs et de professionnels qui ont décidé de devenir «pilotes-mentors» pour le programme de réussite scolaire «Pilotez votre succès», nous avons demandé à trois d'entre eux de nous expliquer les raisons de leur engagement.

Et qu'ont en commun les trois mentors? Oui, ils sont tous follement entichés de voitures, c'est une passion tout aussi dévorante pour eux que l'entreprise qu'ils ont créée.

Richard Petit, le président de KébekSon, les collectionne, il en a 20. Étienne Borgeat, président de PCO Innovation, est devenu coureur automobile sur le circuit Touring et il en est même devenu cette année le champion canadien.

Enfin, Éric Chouinard, président de iWeb technologies, se considère très zen lorsqu'il roule en Volt l'hiver, mais il redevient l'ado excité qu'il a déjà été lorsqu'il sort sa Nissan GTR-Skyline au printemps.

Mais avant la passion des «carosses», les trois entrepreneurs à succès ne l'ont pas eu facile à l'école. Richard Petit a difficilement terminé son secondaire. Il a fait une journée de cégep avant de décrocher pour de bon.

Étienne Borgeat n'a jamais aimé l'école. Il a doublé une année au secondaire avant de finalement trouver sa voie au cégep.

Éric Chouinard a doublé sa 3e année au primaire et sa 4e secondaire. Il s'est pris en main à partir de ce deuxième échec.

Voici leur parcours et la raison de leur engagement à lutter contre le décrochage scolaire.

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KébecSon et collectionneur

Jean-Philippe Décarie

Richard Petit a fondé la célèbre boutique de matériel audio KébecSon en 1976, rue Saint-Denis, dans le nord de Montréal. Il avait 18 ans et était mécanicien. À 21 ans, il achète l'immeuble à logements où il déménage le magasin. Il est aujourd'hui aussi le distributeur pour le Canada de plusieurs marques de renom dont Bang&Olufson.

«Je voulais étudier mais le contexte n'était vraiment pas favorable. Ma mère vivait seule, j'arrivais du Lac-Saint-Jean et je me suis retrouvé à l'école Père-Marquette dans Rosemont. Je me suis battu avec un professeur. Puis chaque fois que je voyais un orienteur, je sortais de là plus mêlé», se remémore Richard Petit.

Il a fait une croix sur les études, mais il aurait aimé persévérer. C'est pourquoi il a accepté d'emblée l'invitation de la Fondation Trioomph de partager ses passions avec les jeunes.

«Les jeunes n'ont pas de rêve. Ils veulent tout obtenir instantanément. Moi je leur parle de l'importance de rêver et je leur rappelle que c'est dans l'inconfort que l'on escalade les plus hautes montagnes.»

«C'est comme les voitures. Je les collectionne comme d'autres collectionnent les timbres. C'est une passion. Ma première auto, je l'ai payée 300$ puis à force de travail, j'ai pu en acheter d'autres» explique l'entrepreneur de 53 ans.

Richard Petit a rencontré hier un groupe d'une centaine d'élèves de l'école secondaire Dalbé-Viau à Lachine et il était ravi de penser que son témoignage pourrait en convaincre certains de ne pas lâcher leurs études.

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PCO Innovation et Touring

Étienne Borgeat, 40 ans, convient d'entrée de jeu qu'il est un cas particulier. Ingénieur, il a co-fondé, en 2000, avec un collègue l'entreprise PCO Innovation qui est devenu un groupe international indépendant de services spécialisé dans le domaine de la gestion du cycle de vie des produits (Product Lifecycle Management).

PCO emploie plus de 500 ingénieurs qui sont dépêchés partout dans le monde pour épauler des grands groupes industriels tels que Bombardier, Peugeot, Honda, Eurocopter ou Alstom, Tata Motors ou Volvo Trucks.

«Je n'ai jamais aimé l'école mais mon père était psychiatre et ma mère psychologue, il n'était donc pas question que j'abandonne. J'ai doublé une année mais j'ai finalement pu rentrer au cégep, sans savoir ce que j'allais faire», relate-t-il.

Durant ses années de cégep, Étienne Borgeat fait une rencontre marquante, celle de l'entrepreneur Michel Gaucher (c'était avant la désastreuse acquisition de Steinberg).

«Il m'a expliqué son cheminement, ce qu'il faisait, ses voyages dans le monde pour le groupe Sofati. Ça m'a donné la piqûre. J'ai fait mon génie et là, je dirige une entreprise fantastique», explique l'entrepreneur qui vient de célébrer ses 40 ans.

Lui aussi est passionné de voitures de haute performance mais à un degré ultime: il est pilote de course.

«J'ai eu mon permis de conduire à 21 ans mais j'ai suivi un cours de pilote. Depuis que j'en ai les moyens, j'ai commencé à courir en formule Touring. Je fais au moins 12 week-ends de course par été», précise Étienne Borgeat.

Il a commencé à donner des conférences dans les écoles il y a deux ans et il voit que ses propos rejoignent son jeune auditoire. C'est naturellement qu'il s'est joint au programme «Pilotez votre succès». «C'est un plaisir de partager avec eux. Je pense que je peux aider», dit-il modestement.

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L'hyperactif de chez iWeb

Jean-Philippe Décarie

Éric Chouinard a fondé iWeb, firme de services d'hébergement de sites internet et d'infrastructures de technologies de l'information en 1996, lorsqu'il était étudiant en comptabilité de management à l'UQAM. Une initiative qui a failli l'empêcher d'obtenir son baccalauréat. Il lui faudra trois ans pour terminer sa dernière année de scolarité.

«C'était déjà beau que je me sois rendu à l'université. C'est pourquoi je tenais absolument à terminer mon baccalauréat», explique l'entrepreneur du web.

C'est que les rapports d'Éric Chouinard avec l'école n'ont jamais été simples. Ç'a été plutôt le contraire.

«J'ai doublé ma troisième année de primaire. J'étais un enfant hyperactif et je souffrais d'un déficit d'attention, ont constaté les spécialistes. Ce n'est pas que je n'étais pas intelligent, bien au contraire. Mes parents auraient pu me faire traiter au Ritalin ils ont préféré me faire faire du sport. Ça m'a sauvé.»

«Une fois rendu au secondaire, ç'a été les filles. J'ai coulé mon secondaire 4 parce que je dormais dans les cours, je passais mon temps à sortir avec les filles. Puis mon père m'a lancé un message qui m'a marqué: tu te prends en main ou sinon tu vas ramasser la merde des autres pour le reste de tes jours», se souvient-il.

Il rencontre la même année celle qui deviendra sa conjointe et la mère de ses trois enfants. «Ça m'a guéri. Je n'ai jamais cessé de faire des projets depuis ce temps-là», dit-il.

Éric Chouinard puise abondamment à travers son histoire pour démontrer aux jeunes qu'il ne faut jamais baisser les bras.

«Chaque conférence que je donne me fais énormément de bien. Je vois les jeunes devant moi et je revis ce qu'ai vécu, c'est une vraie thérapie à chaque fois. Je leur explique que c'est chaque petit pas qui nous fait avancer», insiste-t-il.

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EN CHIFFRES 

1,9 milliard


COÛT TOTAL DU DÉCROCHAGE SCOLAIRE POUR L'ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE

Selon une étude du Groupe d'action sur la persévérance et la réussite scolaires.

REVENU ANNUEL MOYEN

25 000$ NON-DIPLÔMÉS*

40 000$ DIPLÔMÉS*

TAUX DE CHÔMAGE MOYEN

15% NON-DIPLÔMÉS

7% DIPLÔMÉS

ESPÉRANCE DE VIE MOYENNE

75 ans NON-DIPLÔMÉS

82 ans DIPLÔMÉS

RISQUE DE DÉPRESSION À L'ÂGE ADULTE**

15% NON-DIPLÔMÉS

9% DIPLÔMÉS

* Les données s'appliquent aux diplômés du secondaire, du collégial ou de l'université.

** Données pour les femmes Sources : Groupe d'action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec (2009); Ménard (2009).