Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle d'entreprise qui suscite des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

Hyundai est une entreprise très connue du grand public, mais on sait peu de son histoire et de ses pratiques. Ce cas cherche principalement à illustrer le développement des pratiques manufacturières qui ont permis à cette entreprise de devenir un joueur de calibre mondial dans son industrie.

L'expérience de Hyundai est saisissante. Cette entreprise est née dans un pays qui, il y a à peine 50 ans, était considéré comme l'un des plus pauvres de la planète. «Si les Coréens avaient joué selon les règles de la Harvard Business School, ils seraient encore des cultivateurs de riz», a affirmé Warns Maryan Keller, un analyste de l'industrie automobile. Ils sont maintenant des concurrents très sérieux dans l'industrie automobile.

Pas le hasard

Une telle performance n'est pas le fruit du hasard. Elle tient, entre autres, à la mise au point d'un appareil de production qui répond aux attentes des consommateurs. Par une série d'améliorations et d'innovations, Hyundai a réussi à mettre en oeuvre son propre système de production répondant aux défis de son environnement: le Hyundai Production System (HPS).

L'une de ces premières phases a eu lieu au milieu des années 90, après presque 25 ans d'existence, en pleine crise économique asiatique; le modèle de production de Hyundai a montré ses limites. Hyundai conçoit alors un service central de planification de la production et des ventes, car les gestionnaires accordaient une attention limitée à la gestion des stocks. Au même moment, l'accent est mis sur la flexibilité, mais cela semble se réaliser au détriment de la productivité et de la qualité.

Sur l'enjeu de la qualité, l'arrivée à la fin des années 90 de Chung Mong Koo à la tête de Hyundai marque un tournant dans les pratiques de gestion. Le service de la qualité passe de 100 à 1000 personnes. Un système de primes est offert aux employés afin qu'ils soumettent des idées d'amélioration. De 1998 à 2004, Hyundai a fait chuter de 57% le nombre de problèmes reliés à la qualité. Depuis, l'entreprise poursuit sur sa lancée. Encore aujourd'hui, elle se classe dans les premiers rangs par rapport à la qualité des véhicules.

Optimiser l'automatisation

Parallèlement, l'usine Asan a été ciblée pour l'introduction d'un nouveau système de production qui cherche à optimiser l'automatisation tout en dégageant plus de flexibilité, et en humanisant le travail. L'usine devient ainsi la plus moderne du groupe. Hyundai y embauche un groupe d'ingénieurs à la retraite de Toyota. Parmi les mesures adoptées, les chaînes de montage ont été divisées en plusieurs chaînes plus courtes où il est maintenant possible de conserver des stocks tampons. Aussi, les technologies de production sont devenues plus flexibles, et la rotation des tâches a permis de varier les activités des employés et d'augmenter leur polyvalence. L'usine d'Ulsan est devenue l'un des sites les plus vastes et intégrés du monde dans l'industrie automobile.

Les résultats tendent à démontrer que le HPS a contribué à une hausse considérable de la performance de Hyundai au cours des dernières années. Par exemple, le taux d'utilisation de la capacité de production des installations est passé de 92,5% en 2000 à 95,6% en 2005. Au même moment, Toyota obtenait un résultat de 97% pour ce ratio. Durant la même période, le ratio de qualité est passé de 75,8% à 92,3% alors qu'il se situe entre 94% à 95% chez Toyota. Cependant, la productivité des employés de Hyundai correspond à la moitié de celle chez Toyota, mais parallèlement, les coûts de main-d'oeuvre équivalent à 40% de ceux de son concurrent japonais.

Hyundai contre Toyota

Cette dernière comparaison nous amène naturellement à comparer le Hyundai Production System au célèbre Toyota Production System. Le premier est inspiré du deuxième ne serait-ce que par l'embauche par Hyundai d'anciens employés de Toyota.

Toutefois, le système de production de Hyundai est différent sur plusieurs points. Le cas illustre ainsi le principe voulant qu'il n'y ait pas vraiment, dans l'absolu, de «meilleures pratiques», mais uniquement des pratiques mieux adaptées au contexte d'une organisation. Avec son histoire et son contexte, Hyundai n'aurait pas pu reproduire les pratiques de Toyota; elle se devait de rechercher son propre modèle.

Le travail d'appropriation et d'adaptation, plutôt que de chercher à transposer ce qui se fait ailleurs, devient alors crucial. Un tel effort d'adaptation a été absent chez beaucoup de constructeurs automobiles américains qui ont cherché principalement à copier le modèle Toyota sans en comprendre l'essence, avec les conséquences que l'on connaît.

Quelques interrogations

Quelles «leçons» du cas Hyundai pourraient inspirer les entreprises de puissances émergentes qui veulent devenir des acteurs majeurs de l'industrie automobile? À la lumière des difficultés que plusieurs constructeurs automobiles ont rencontrées ces dernières années, y a-t-il un «meilleur» système de production? Comment maintenir un système efficace et efficient au sommet?

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Martin Beaulieu est professionnel de recherche à HEC Montréal. Sylvain Landry est professeur titulaire en gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal. Vous trouverez la version intégrale de ce cas de 17 pages à l'adresse https://www2.hec.ca/centredecas du Centre de cas HEC Montréal.