Encore une mauvaise nouvelle pour le secteur pharmaceutique montréalais. Cette fois, c'est la multinationale AstraZeneca qui va fermer son centre de recherche, entraînant du même coup la perte de 132 emplois. La pilule est dure à avaler pour cette industrie en difficulté dans la métropole québécoise.

L'industrie pharmaceutique québécoise dépose un genou au sol et encaisse un nouveau coup. AstraZeneca met fin aux activités de son centre de recherche montréalais qui compte 132 employés.

La nouvelle s'inscrit dans un contexte déjà moribond pour le secteur des sciences de la vie. Johnson&Johnson a annoncé le 10 janvier dernier la fermeture de son centre de recherche et développement montréalais. Le lendemain, Sanofi a sabré ses effectifs de Laval.

La fermeture des laboratoires montréalais d'AstraZeneca se profile toutefois dans le contexte d'une restructuration majeure du géant britannique du médicament. L'entreprise supprimera au total 12% de ses effectifs, soit 7300 emplois, dont 2200 postes en R et D.

Selon Jennifer Robinson, directrice des communications et des relations externes chez AstraZeneca Montréal, l'entreprise revoit avant tout la façon dont elle «fait de la science» dans le secteur des neurosciences. «Si on avait été un centre de recherche en oncologie, on serait encore ici», ajoute-t-elle.

Le centre de recherche montréalais, ouvert en 1997, s'attardait principalement à découvrir une solution de rechange à la morphine dans le traitement de la douleur chronique, un véritable Saint-Graal du médicament que l'entreprise pharmaceutique souhaitait ajouter à sa pharmacopée.

Elle s'y prendra différemment aujourd'hui pour parvenir à ses fins. Dans le communiqué qu'elle a publié hier, AstraZeneca indique qu'elle remplace ses unités de R et D situées à Montréal et à Soedertaelje en Suède par une équipe de 40 à 50 chercheurs chargés de déléguer la recherche clinique à des sous-traitants universitaires ou de l'industrie. Une équipe qui fera de la science de façon «virtuelle» à partir de bureaux situés à Boston aux États-Unis et à Cambridge au Royaume-Uni.

«Le secteur pharmaceutique vit une transformation depuis deux ou trois ans et passe d'un modèle où la recherche se faisait à l'interne, vers un modèle de R et D virtuelle», explique Michelle Savoie, directrice générale de Montréal InVivo, grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du Montréal métropolitain.

AstraZeneca a pourtant enregistré une hausse de ses bénéfices de l'ordre de 23% l'année dernière. Mais l'anticipation de la fin de la protection de certains de ses brevets fait entrevoir un avenir plus sombre pour l'entreprise.

La situation est partagée par la plupart des géants de la pharmaceutique. Après avoir surfé sur des succès pharmacologiques qui lui ont rapporté des millions, l'industrie n'a pas su se préparer adéquatement à la fin des brevets pour ses blockbusters.

Un peu partout dans le monde, l'industrie change son approche, et externalise sa recherche. Une façon pour elle de réduire à la fois ses dépenses et les risques que lui occasionnent des recherches parfois vaines.

Michel Bouvier, chercheur principal à l'Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC), est directement impliqué dans la transformation québécoise des sciences de la vie. Certains de ses projets sont directement financés par le Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM), un organisme qui fait le pont entre l'industrie pharmaceutique québécoise et la recherche universitaire.

Selon lui, la nouvelle d'aujourd'hui est un reflet de la transformation que connaît l'industrie et qui n'est pas unique à Montréal. Il espère toutefois que les talents qui se retrouvent maintenant sans emploi sauront être récupérés par l'industrie.

«Se construire de l'expertise dans un domaine de grande valeur ajoutée, c'est quelque chose qui prend des dizaines d'années à se mettre en place. Montréal a une culture et une très longue tradition en biopharmaceutique. Il faut s'assurer qu'on puisse capitaliser là-dessus et être imaginatif pour trouver comment on maintient notre place», a-t-il indiqué.

La nouvelle de la fermeture d'aujourd'hui l'affecte d'ailleurs particulièrement. Son laboratoire a participé au cours des dernières années à la formation d'une partie des scientifiques qui effectuaient des recherches dans les laboratoires d'AstraZeneca à Montréal.

«Au-delà du fait que plusieurs de mes anciens étudiants se trouvent là-bas, c'est une bien triste nouvelle pour Montréal et son secteur biopharmaceutique», a-t-il ajouté.

Avant l'annonce des coupes d'hier, AstraZeneca comptait plus de 800 employés au Canada. Selon Jennifer Robinson, le siège social canadien de l'entreprise situé à Mississauga en Ontario est épargné.

Le centre de recherche montréalais mettra quant à lui fin à ses activités en juin prochain.

Les mesures d'incitation gouvernementales dans l'industrie pharmaceutique valent-elles toujours le coup ? Notre dossier à lire demain.