Si le déclin du secteur manufacturier est palpable depuis une dizaine d'années, la fabrication pèse toujours plus lourd dans l'économie québécoise que dans celles du reste du Canada et des États-Unis.

L'an dernier, elle représentait 16,1% de la taille de notre économie, comparativement à 12,8% ailleurs au Canada et moins de 12% aux États-Unis.

«Autre fait à noter, la diminution de l'importance relative tend à s'estomper au cours des dernières années», observe Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins, qui signe une imposante recherche sur ce secteur névralgique.

Même si le nombre d'usines a diminué de 18,9% au Québec, soit davantage que la moyenne canadienne, de 2004 à 2008, il en restait encore 21 154. Seul l'Ontario, plus populeux, fait mieux.

La plus grande diversification de l'activité manufacturière québécoise la rend toutefois moins vulnérable aux chocs conjecturels. Cela dit, le travail en usine a été durement touché par la récession de 2008-2009. Moins toutefois que dans le reste du Canada.

«Les problèmes sont réels, mais il semblerait que la rumeur les amplifie», estime l'économiste.

La moitié des volumes de livraisons manufacturières repose sur deux secteurs en Ontario, comparativement à quatre au Québec: le matériel de transport, la transformation alimentaire, la première transformation des métaux et, enfin, le segment papetier.

Ce qui a fait mal durant la dernière décennie, c'est avant tout le repli des expéditions vers les États-Unis, passées de 74 à 59 milliards de dollars.

La fermeture de l'usine de GM à Boisbriand en septembre 2002 a bien sûr retranché plus de 1 milliard par année à nos exportations, mais l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce et la crise du marché de l'habitation qui sévit depuis 2006 ont aussi fait mal.

En outre, la valeur du dollar canadien est passée d'à peine 62 cents US, en 2002, pour se hisser à la parité en 2007. Résultat, les États-Unis représentaient 85,5% des débouchés internationaux des usines québécoises en 2000, mais seulement 67,9% en 2010.

Le Québec n'est tout simplement pas parvenu à regagner ailleurs ce qu'il a perdu chez l'Oncle Sam. Malgré d'importantes stratégies de diversification, seulement 5,8% des exportations étaient absorbées par le Brésil, la Russie l'Inde et la Chine. Ces quatre grandes économies émergentes ont pourtant connu une solide expansion durant la dernière décennie.

Le déclin du secteur manufacturier québécois a cependant coûté plus d'emplois qu'ailleurs, toutes proportions gardées, fait ressortir Mme Noreau, parce que les segments intensifs en main-d'oeuvre (vêtements, textiles), très présents au Québec, ont été plus touchés par la concurrence chinoise et la vigueur du huard.

Malgré tout, la résilience québécoise reste élevée, si on la mesure par le taux de survie. Dix ans après leur création, encore 28,8% des entreprises de fabrication sont toujours en affaires alors que la proportion est d'à peine 21,6% pour l'ensemble des entreprises québécoises.

Pour augmenter ce taux, il faudra accroître la productivité, ce qui n'est pas gage de maintien des emplois. Mme Noreau note qu'une enquête menée l'an dernier par le Centre de recherche industrielle du Québec a montré que 7 entreprises manufacturières sur 10 n'utilisaient pas encore la robotique, pourtant une solution intéressante dans un contexte de raréfaction de la main-d'oeuvre.

S'il est une certitude, c'est la mutation incessante du secteur. En 2000, le segment des produits informatiques et électroniques se classait deuxième par sa taille, mesurée par le volume de ses ventes, et premier au chapitre des exportations. Dix ans après, marqué par l'éclatement de la technobulle et la faillite de Nortel, il a glissé au dixième rang.

En 2000, c'est le matériel de transport qui avait le plus grand poids dans le secteur; en 2010, il a été doublé par la fabrication d'aliments. C'est cependant dans le transport que la masse salariale est le plus élevée, suivi par les aliments.

D'autres plus petits segments se sont complètement transformés. Mme Noreau souligne la mutation des textiles et des vêtements où la recherche et développement et le design ont permis de trouver de nouveaux débouchés. «C'est un véritable parcours du combattant qu'ont eu à suivre bon nombre d'entreprises pour rester en affaires, au cours des dernières années, conclut-elle. Tant que les entrepreneurs continueront de lutter, il y aura une place pour le secteur manufacturier québécois.»