Chaque semaine, nous vous proposons un extrait d'un «cas pédagogique» du Centre de cas de HEC Montréal: la description en contexte d'une situation réelle d'entreprise qui suscite des interrogations et une réflexion sur certains aspects de la gestion.

Maria est directrice générale de l'organisme L'Ancre verte (tous les noms sont maquillés), organisme à but non lucratif (OBNL) d'aide à l'insertion sociale et professionnelle des nouveaux arrivants au Québec. Elle gère une équipe de 15 employés assistés d'une vingtaine de bénévoles. Les salaires versés sont inférieurs au marché mais, en contrepartie, les employés bénéficient de conditions de travail enviables, notamment d'horaires flexibles.

Trois employés ont, depuis quelques mois, un niveau préoccupant d'absentéisme et de retard au travail. Maria a rencontré chacun d'eux pour en comprendre les raisons.

Cristina

Secrétaire-réceptionniste de L'Ancre verte depuis 12 ans, Cristina, 35 ans, est un des piliers de l'organisme. Maria n'a jamais eu à se plaindre ni de son comportement ni de sa performance. Il y a près d'un an, Cristina a appris qu'elle souffrait d'un cancer, ce qui l'a obligée à prendre six mois de congé de maladie. Bien qu'elle continue à suivre une chimiothérapie par voie orale, elle a obtenu la confirmation de son médecin qu'elle était apte à reprendre le travail et est donc de retour depuis maintenant deux mois.

Interrogée par Maria au sujet de ses retards et de ses absences, Cristina reconnaît qu'elle est souvent fatiguée et qu'elle n'est peut-être pas totalement remise de ses traitements. Il lui arrive d'avoir de la difficulté à se lever le matin, ou d'avoir besoin de se reposer en fin de journée, de sorte qu'il lui est difficile de respecter ses horaires de travail.

Sergio

Sergio, 39 ans, occupe le poste de comptable à L'Ancre verte depuis deux ans. Maria apprécie son travail minutieux qui reflète bien sa personnalité organisée et discrète. Depuis environ six mois, la directrice générale a noté que Sergio arrive souvent très en retard le matin, parfois à 11h ou midi.

Lors de sa rencontre avec Maria, Sergio lui avoue qu'il souffre d'alcoolisme depuis des années. Il avait réussi à surmonter son problème, mais à la suite d'une rupture amoureuse survenue quelques mois plus tôt, il a recommencé à boire. Il lui explique qu'il arrive à contrôler sa consommation d'alcool pendant la journée, et qu'il ne boit jamais au bureau, ni même avant de venir travailler. C'est le soir, lorsqu'il se retrouve seul chez lui, qu'il s'enivre, et c'est pour cela qu'il a du mal à se lever le lendemain matin.

Steven

Titulaire d'un baccalauréat en information scolaire et professionnelle, Steven, 52 ans, agit comme intervenant en employabilité depuis la fondation de l'organisme. Pendant plusieurs années, son travail consistait à rencontrer des clients sur une base individuelle pour faire le point sur leurs compétences en préparation à une recherche d'emploi. En raison de la perte d'une subvention gouvernementale, ce service a été remplacé par un programme pour aider des personnes vivant des problèmes de santé mentale à intégrer le marché du travail; il s'agit de séances d'information en groupe pour présenter les différentes ressources disponibles.

Steven a fini par accepter ses nouvelles tâches, mais il les exécute de mauvaise grâce et se moque fréquemment devant ses collègues des problématiques vécues par ses clients.

Depuis trois mois, Steven prend tous ses vendredis de congé, soit sous forme de récupération du temps de travail, soit sous forme de congé pour obligations personnelles. Or, la politique de flexibilité des horaires indique clairement qu'il doit y avoir un minimum de quatre employés au bureau le vendredi. Si une même personne est systématiquement en congé le vendredi, cela limite la possibilité pour ses collègues d'écouler leur temps accumulé. Par ailleurs, Maria apprend par hasard que Steven occupe également un poste de chargé de cours à l'université, et que son cours se donne justement le vendredi après-midi.

Lorsqu'elle le rencontre, Maria aborde les absences de Steven les vendredis. Celui-ci est immédiatement sur la défensive: «J'accumule mon temps comme tout le monde, et les autres vendredis, je les prends en congés personnels. J'ai le droit de le faire», lui lance-t-il d'un ton sec. Lorsque Maria lui demande alors de justifier ses absences pour obligations personnelles, Steven se lève, furieux, et sort du bureau en hurlant que la directrice se conduit comme une dictatrice et qu'elle n'a pas le droit de se mêler de ce que les employés font pendant leurs congés.

Plus tard, Maria rencontre le président et le trésorier du conseil d'administration. Encore sous le choc de la réaction de Steven, la directrice leur fait part de la situation; de fil en aiguille, elle leur parle aussi du cas de Sergio... puis de celui de Cristina.

«Se pourrait-il que la directrice ait du mal à gérer son personnel?», se demande le président du conseil d'administration.

Quelques interrogations

La directrice a-t-elle du mal à gérer son personnel? Que devrait-elle faire avec chacun de ses trois employés? Comment prendre en compte la situation personnelle de chacun tout en respectant les obligations légales de l'employeur et le principe d'équité?

Anne Bourhis est professeure titulaire et directrice du service de l'enseignement de la gestion des ressources humaines à HEC Montréal.

Vous trouverez la version intégrale de ce cas de 8 pages à l'adresse https://www2.hec.ca/centredecas du Centre de cas HEC Montréal.