Le leadership est un des thèmes les plus importants - et les plus galvaudés - en gestion. Difficile de cerner ce qu'est un leader, le rôle qu'il joue, ou pas, dans le succès d'une entreprise et la façon dont le leadership se construit. Étudier de près l'histoire de vie de gestionnaires inspirants est un moyen de réfléchir au leadership.

C'est ce que nous vous proposons aujourd'hui. Peu de cas de leadership racontent des expériences dans le milieu communautaire ou philanthropique. Peu de cas mettent à l'avant-scène des femmes leaders. Un cas comme celui de Lili-Anna Peresa permet donc d'ouvrir les horizons et de s'écarter des stéréotypes en matière de leadership.

Lili-Anna Peresa, fille d'une mère québécoise et d'un père croate - de qui elle a hérité le nom de Peresa -, est ingénieure de formation et directrice générale de ONE DROP depuis avril 2009. Elle a auparavant dirigé UNICEF Québec, Amnesty International France, le YWCA de Montréal et Les petits frères des Pauvres. Elle a oeuvré en Afrique et a été chef de mission pendant le conflit armé en Bosnie-Herzégovine et en Croatie pour CARE Autriche. En décembre 2009, elle recevait de l'Université de Montréal le premier doctorat honorifique remis à une femme par l'École Polytechnique. Ce geste visait à reconnaître son engagement humanitaire.

Lili-Anna Peresa s'est fait un devoir de réaliser ses rêves. À 25 ans, elle est engagée par Entraide universitaire mondiale du Canada. Pendant 10 mois, elle enseignera les sciences au Malawi. Quand elle repense à cette expérience, c'est avec émotion que Lili-Anna se remémore une jeune étudiante toute menue, Memory, profondément convaincue de son statut inférieur parce qu'elle était une femme. Memory est aujourd'hui professeure à l'Université Zomba.

«Memory fut la première fille de cette école secondaire à être acceptée à l'université en 25 ans. Pour moi, ça a été excessivement important d'avoir des filles dans mes cours de sciences, et d'avoir mis quelques heures de travail de plus, donné quelques leçons particulières et fait du coaching pour leur permettre d'avoir de meilleures perspectives d'avenir. C'est là que j'ai senti pour la première fois que j'avais fait la différence dans la vie de quelqu'un, d'une jeune fille plus particulièrement.»

En 1994, lorsqu'elle apprend qu'il y a un conflit armé en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, Lili-Anna se sent interpellée. Elle quitte l'Afrique et est engagée comme chef de mission. Elle part coordonner les projets de CARE Autriche. En Bosnie, elle met en place des cliniques gynécologiques et pédiatriques mobiles pour les femmes victimes de viols de guerre.

Plus tard, avec Amnesty International France, elle voyage beaucoup et cela lui confirme qu'elle veut continuer à travailler dans le domaine international.

Presque tous les projets que Lili-Anna Peresa a choisis dans sa carrière ont une dimension affective très difficile. On lui demande souvent comment elle a pu côtoyer les femmes victimes de violence de guerre. Comment peut-elle aider un enfant de la rue au Rwanda? Comment a-t-elle fait face à ce taux de mortalité effarant de femmes mortes en couches parce qu'on n'a pu les sauver à temps? Bref, comment a-t-elle pu gérer l'ingérable? Lili-Anna appelle cela le détachement du médecin.

«Pour être efficace dans une situation d'urgence, pour pouvoir arriver au résultat, on a besoin de reculer d'un pas pour pouvoir mieux analyser et mieux agir. Il faut continuer à avoir de la compassion, à connecter avec les gens, comme un médecin, mais il faut arriver à prendre du recul pour pouvoir analyser la situation et déterminer quelle est la priorité.»

En tant que gestionnaire, Lili-Anna construit des choses et elle le fait avec détermination.

«Rebâtir, reconstruire, c'est ça qui me passionne; ce n'est pas avec des briques, mais c'est l'esprit de la chose qui m'anime beaucoup. Ça, c'est une passion», dit-elle.

Les gens qui l'entourent doivent avoir compris cela. Deux des critères sont importants pour travailler avec elle: être «allumé» et avoir du jugement. Une fois ces conditions remplies, elle laisse beaucoup de latitude à ses collaborateurs et voit son rôle plutôt comme celui d'un guide que comme celui d'un pourvoyeur de solutions.

Quelques interrogations soulevées par ce cas

Lili-Anna Peresa est-elle un leader? D'ailleurs, qu'est-ce qu'un leader? Comment développe-t-on son leadership? Quels sont les liens entre histoire de vie et expérience professionnelle? Quelles sont les particularités du milieu humanitaire et philanthropique en matière de gestion? Un tel milieu requiert-il des qualités particulières de la part des gestionnaires?

Raymonde Lévesque est étudiante à la M. Sc. à HEC Montréal et elle y est aussi chargée de cours. Veronika Kisfalvi est professeure titulaire en management à HEC Montréal.

Pour lire l'intégralité de ce cas pédagogique de 30 pages, rendez-vous au Centre de cas HEC Montréal: https://www2.hec.ca/centredecas