Le fabricant de «téléphones intelligents» BlackBerry est passé cette année du statut de chouchou technologique à celui de paria des places boursières, ce qui a valu à ses dirigeants, Jim Balsillie et Mike Lazaridis, le titre de personnalités ayant le plus marqué le monde des affaires au Canada en 2011, à l'issue d'un sondage mené par La Presse Canadienne auprès des rédactions du pays.

Leur entreprise Research in Motion (RIM), autrefois l'une des plus importantes du pays, a subi une chute vertigineuse en moins d'un an. Bien que RIM ne soit pas du tout sur le point de mourir, elle accuse un retard considérable sur ses concurrents dans le marché très changeant des téléphones intelligents. Elle a aussi subi la pire interruption de service de son histoire, et a vu sa valeur boursière fondre de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

La rumeur veut désormais que l'entreprise fasse l'objet d'un rachat, et les actionnaires demandent maintenant la tête de ses dirigeants.

Selon Steve Pona, responsable des pages affaires au Winnipeg Free Press, Jim Balsillie et Mike Lazaridis ont totalement raté - ou simplement ignoré - les avertissements qui auraient dû mener à des changements, et ils ont ainsi transformé en tragédie cette histoire technologique à succès. M. Pona croit que les deux codirigeants auraient dû se voir montrer la porte depuis longtemps par le conseil d'administration.

M. Balsillie se retrouve pour la deuxième fois à la tête de ce coup de sonde national. En 2009, dans des circonstances bien différentes, il s'était illustré par sa ténacité à tenter de devenir propriétaire d'une équipe de hockey, et grâce à sa maîtrise aux commandes de RIM alors que l'entreprise émergeait de la récession.

Au début de 2011, RIM était en bonne santé et s'apprêtait à lancer la tablette PlayBook, sa riposte à l'iPad particulièrement populaire d'Apple. Le dévoilement d'avril a toutefois peiné à séduire les analystes. Depuis, les nouvelles ont été en général mauvaises pour RIM.

L'entreprise a dû éliminer plus tard 2000 postes afin de réduire ses coûts d'exploitation. Une panne planétaire de quatre jours des services BlackBerry en octobre a coûté plus de 50 millions $ en revenus à RIM, et terni sa réputation dans ce secteur qui peut difficilement souffrir de tels soubresauts techniques.

La compagnie a également averti les investisseurs qu'elle inscrirait une radiation de 485 millions $ en lien avec la réduction de moitié du prix de la PlayBook afin d'augmenter les ventes de la tablette.

En décembre, RIM a fait état de profits de 265 millions $ US pour le troisième trimestre, bien en deçà des 911 millions $ US enregistrés pendant la même période l'année précédente. Ces résultats décevants ont été obtenus même si RIM a vendu des millions de BlackBerry de plus qu'en 2010, et malgré une croissance de 35 pour cent du nombre d'abonnés dans le monde, à 75 millions.

La nouvelle qui vient sans doute enfoncer le clou dans la réputation de la compagnie est le report de quelques mois du lancement en 2012 d'une nouvelle génération de téléphones intelligents, que certains voient comme un espoir pour RIM. L'entreprise attribue ce report à des problèmes de disponibilité de la puce qui alimentera ces nouveaux «BlackBerry 10».

L'entreprise de Waterloo, en Ontario, a vu sa valeur boursière passer d'environ 50 milliards $ au début de l'année à 7,6 milliards $ vers la fin de 2011. L'action a atteint un prix plancher de 12,80$ l'unité, s'effondrant d'un sommet de près de 140$ en 2008.

MM. Balsillie et Lazaridis ont recueilli 46 pour cent des voix des rédacteurs en chef et des chefs de pupitre des sections affaires des médias canadiens, coiffant au poteau le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, qui a quand même obtenu 41 pour cent des voix.