Les inquiétudes des autorités américaines de la concurrence ont eu raison du projet de rachat à 39 milliards de dollars de T-Mobile USA par le numéro un américain des télécoms AT&T, pour qui cet échec se solde par une lourde indemnité d'annulation.

AT&T a décidé de jeter l'éponge neuf mois après l'annonce de ce méga-projet de fusion avec la filiale américaine de l'opérateur téléphonique allemand, faute de trouver un accord de cessions satisfaisant avec les autorités de la concurrence américaines.

«Après avoir étudié avec attention ses options, AT&T a décidé avec Deutsche Telekom de mettre fin à son offre de rachat de T-Mobile USA», a indiqué AT&T dans un communiqué.

«Les efforts de la Commission fédérale des communications (FCC) et du département américain de la Justice pour bloquer cette transaction ne changent pas la réalité du secteur», a déploré le groupe.

«C'est l'un des plus concurrentiels du monde, avec un besoin croissant de fréquences auquel il faut faire face immédiatement. Une combinaison d'AT&T et T-Mobile USA aurait offert une solution intermédiaire à cette pénurie», a regretté l'opérateur, affirmant que «les consommateurs vont pâtir» de l'échec de cette fusion.

«Pour répondre aux besoins de nos clients, nous allons continuer à investir», a promis le PDG d'AT&T, Randall Stephenson.

Ajouter de la capacité à son réseau «va toutefois demander deux choses de la part des gouvernants: d'une part, à court terme, permettre aux marchés de fonctionner librement pour augmenter la disponibilité de nouvelles fréquences», y compris l'approbation «rapide de notre acquisition de fréquences non utilisées de Qualcomm, en attente devant la FCC», a-t-il argumenté.

«D'autre part, adopter des lois visant à répondre aux besoins de fréquences à long terme de notre pays», a-t-il ajouté.

Le géant américain des télécoms a confirmé qu'il allait passer une charge exceptionnelle de 4 milliards de dollars (3 milliards d'euros) pour indemniser Deutsche Telekom de cette rupture de contrat. Par ailleurs, un accord sur les tarifs d'itinérance («roaming») «mutuellement bénéfique» a été conclu avec Deutsche Telekom.

Dès son annonce, le projet de rachat de la filiale en difficultés de Deutsche Telekom avait suscité une levée de bouclier.

Des concurrents d'AT&T comme Sprint agitaient le spectre d'un nouveau «monopole», et certains parlementaires s'opposaient à cette fusion par crainte de voir la concurrence s'amoindrir et les prix augmenter.

AT&T contrôle quelque 27% des abonnements à la téléphonie mobile aux États-Unis ce qui en fait le numéro deux derrière Verizon Wireless (31%), loin devant Sprint Nextel (14%) et T-Mobile (9%). L'acquisition de T-Mobile USA lui aurait permis de dominer 40% de ce marché et de doubler Verizon.

La FCC et le gouvernement s'étaient penchés sur le dossier, le ministère de la Justice portant l'opération devant les tribunaux fin août pour la bloquer.

L'opérateur, qui avait trouvé de rares soutiens chez Facebook et Microsoft, arguait que cette fusion, loin de nuire à la concurrence, lui permettrait d'offrir un meilleur service dans de nombreuses zones, mais n'a pu convaincre les autorités.

Pour Douglas McIntyre, analyste du site 247wallst.com, «l'avenir d'AT&T Wireless ne sera pas trop perturbé par cet échec. Il continuera à dominer ce marché aux côtés de Verizon Wireless. Ce qui attend T-Mobile est différent».

«Il n'a que 35 millions d'abonnés, dont beaucoup s'attendaient à intégrer le réseau d'AT&T. T-Mobile n'a pas fait de promotion active de ses nouveaux services et smartphones pour la même raison», a-t-il détaillé.

Deutsche Telekom «dispose cependant dorénavant de 4 milliards de dollars pour ressusciter T-Mobile. Il devra étendre et améliorer ses capacités 4G pour qu'il puisse rivaliser avec ses trois plus grands rivaux. Il y a aussi des rumeurs selon lesquels il pourrait racheter le troisième opérateur de mobiles» Sprint, a-t-il conclu.

L'action d'AT&T cédait 0,35% à 28,64 dollars vers 23H15 GMT, lors des échanges hors séance.