À la mi-août, le camp d'entraînement des Maple Leafs de Toronto n'a pas encore commencé. Mais en coulisse, le match le plus important de la saison - celui pour le contrôle de son propriétaire Maple Leaf Sports&Entertainment (MLSE) - vient d'être entamé.

À la table des négociations, Bell et Rogers, deux rivaux ayant décidé de s'allier pour avaler ce géant torontois du sport et du divertissement. Rogers avait examiné seul les livres de MLSE une première fois vers la fin de l'année 2010 avant de passer son tour. En mars dernier, le propriétaire majoritaire Teachers', prêt à encaisser un profit faramineux, a engagé la banque d'affaires Morgan Stanley pour trouver des acheteurs. Bell n'a jamais envisagé de tenter sa chance seule, notamment parce que l'entreprise ne voulait pas se départir de sa participation minoritaire dans le Canadien de Montréal. Avec Rogers par contre, le scénario lui plaît. Pour éviter d'avoir directement 30% et d'être un actionnaire de contrôle des Maple Leafs, Bell décide dès le début de faire participer la caisse de retraite de ses employés, une fiducie indépendante.

À la mi-août, Bell et Rogers se présentent donc à la table des négociations pour négocier avec Teachers'. Un mois plus tard, ils avaient déjà convenu d'un prix pour les actions de Teachers'. À la mi-octobre, Bell et Rogers parviennent à s'entendre sur une convention d'actionnaires avec le propriétaire minoritaire de MLSE, le magnat de l'immobilier Larry Tanenbaum, qui possède 20,5% des actions mais surtout un droit de premier rachat sur celles de Teachers'. Les deux conglomérats de télécoms auront chacun 37,5% des actions et Larry Tanenbaum passera de 20,5% à 25%.

Mais le plus dur reste à venir: calculer la valeur des droits de diffusion des matchs des Maple Leafs en Ontario. La LNH négocie les droits de télé nationaux, mais les équipes gardent les droits régionaux des autres matchs (exception faite du Canadien et de la LNH qui vendent d'un seul coup tous les droits des matchs du Tricolore à RDS). Entre Rogers et Bell, le partage 50-50 n'a jamais posé problème. Les négociations sont plus ardues avec Tanenbaum, qui veut s'assurer à juste titre que MLSE obtienne à l'avenir la juste valeur marchande pour ses droits de diffusion.

Puis, coup de théâtre de Teachers' à la fin novembre: devant la lenteur des négociations, la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario décide de conserver ses parts dans MLSE. Les différents acteurs à la table des négociations - prévenus de la décision de Teachers' annoncée publiquement le 27 novembre - sont surpris de cette volte-face. Mais ils ne pensent pas pour autant que la transaction vient d'avorter et que Teachers' envisage vraiment de garder sa participation minoritaire dans les Maple Leafs, les Raptors et le Toronto FC. D'autant plus que Teachers' a déjà obtenu son prix recherché.

Le bluff de Teachers' est néanmoins pris au sérieux et sert d'électrochoc aux négociations. La plupart des points en litige ont été résolus à la fin de la semaine dernière, mais les avocats des parties concernées peaufinent les ententes jusqu'à leur signature officielle jeudi en fin d'après-midi. En soirée, les conseils d'administration de Bell et Rogers se réunissent d'urgence pour avaliser la transaction la plus importante jamais réalisée dans l'industrie du sport au Canada. Et le début d'une nouvelle ère pour les partisans des Maple Leafs de Toronto, orphelins de la Coupe Stanley depuis 1967.