Dans le domaine des réseaux sociaux, l'Irlande ne manque pas d'amis. Ni d'ailleurs dans le reste de la Toile. Depuis une décennie, les Google, Facebook et PayPal déménagent en masse leurs serveurs à Dublin. Si bien que la ville peut se vanter d'être la capitale du web en Europe. Québec peut-il apprendre des Irlandais?

La nouvelle a été annoncée en moins de 140 caractères le 26 septembre dernier. «L'Irlande est tendance. Twitter établira ses bureaux internationaux à Dublin», pouvait-on lire sur la page Twitter de l'agence irlandaise de développement international, l'IDA. Interrogé sur l'arrivée du géant à Dublin, son directeur, Emmanuel Dowdall, n'en est pas moins laconique.

«Nous sommes très heureux de les avoir à bord. Twitter est une icône de l'industrie», dit-il le regard brillant.

Depuis combien de temps l'IDA courtisait-elle Twitter? «Depuis longtemps déjà. Cela a été un profond investissement», explique-t-il, sans vouloir en dire davantage.

Les chasseurs de têtes irlandais ont un bon instinct. Le président de Zynga, éditeur de jeux pour les réseaux sociaux, a déclaré récemment qu'il avait reçu la visite de l'IDA en Californie alors qu'il n'avait pas encore 30 salariés. Mark Pincus emploie aujourd'hui 2000 personnes, dont 50 en Irlande.

C'est Google qui a mis Dublin sur la carte en 2003, avec l'ouverture de sa division internationale, où travaillent aujourd'hui 2200 personnes. Ont suivi notamment PayPal, eBay, Yahoo, Amazon et plus récemment, les grands réseaux sociaux, dont Facebook (300 employés) en 2009, LinkedIn (130 employés) en 2010 et maintenant, Twitter.

Ces multinationales génèrent aujourd'hui 16% des exportations du pays.

Paradis fiscal

Elles n'ont pas choisi l'Eire (son nom officiel en irlandais) par amour pour la bière Guinness. Le taux d'imposition de 12,5%, un des plus bas en Occident, est une excellente carte de visite de l'IDA, qui possède 19 bureaux dans le monde, dont 2 en Californie.

Même en pleine débâcle économique, à la fin de l'année dernière, le gouvernement irlandais a résisté aux appels à la hausse des impôts des entreprises.

Et il cache d'autres as dans sa manche: 25% de crédits d'impôt pour la recherche et développement, et l'exemption fiscale sur les redevances de propriété intellectuelle, un appât alléchant pour les pionniers du web.

Handicapée par de faibles industries intérieures, l'Irlande a distribué des subventions de 170 millions de dollars canadiens à ses partenaires internationaux en 2010, soit 30 euros par personne. Son économie carbure au capital étranger, à l'origine de... 88% de ses exportations!

Mais les entreprises rechignent à parler argent à La Presse. «La main-d'oeuvre hyperqualifiée pèse davantage dans la balance», insiste Robert Skinner, porte-parole du service de paiement en ligne PayPal, employeur de 1550 personnes à Dublin.

Nation de geeks

Car le milieu de l'enseignement a répondu à l'appel. Une vingtaine d'institutions offrent des diplômes en technologies de l'information, réseaux sociaux et informatique en nuage dans le petit pays de 4,5 millions d'habitants. Les doyens d'université se portent même garants de la qualité des diplômés auprès des partenaires de l'IDA.

«L'Irlande a une longueur d'avance sur les autres pays», résume Fidelma Healy, chef des bureaux dublinois de Gilt Groupe, site marchand de produits de luxe.

La conférence F.ounders, déjà surnommée «le Davos pour les geeks» après deux ans d'existence, a attiré 150 jeunes chefs d'entreprise, et même Bono, à Dublin en octobre dernier.

Merci la crise

La crise économique ne fait pas que des malheureux. Les frais de fonctionnement ont dégringolé pour s'établir aux niveaux de 2003. Les salaires ont fondu de 8% depuis 2008 et les loyers, de 52%.

Résultat, l'industrie des technos a investi près de 900 millions de dollars à ce jour en 2011.

Google a profité de l'éclatement de la bulle immobilière pour acheter le plus haut édifice de Dublin, d'une superficie de 19 000 mètres carrés, pour 140 millions de dollars canadiens en février 2011. Doit-on s'étonner que son président Eric Schmidt ait déclaré, en juin dernier, que l'Irlande est «un endroit fantastique pour faire des affaires» ?

L'Irlande en quelques chiffres:

> Population: 4 670 976 (en 2011)

> PIB: 204,3 milliards US

> Revenu par habitant : 37 300$US

> Taux de chômage en 2010: 14,4%

> Union européenne : 1973

> Zone euro : depuis 1999