Même si la firme qu'il a cofondée, CGI (T.GIB.A), compte des milliers de travailleurs en Inde, Serge Godin s'inquiète de la délocalisation massive d'emplois technologiques vers ce pays asiatique.

Dans une allocution prononcée mardi à la tribune de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Godin a soutenu que ces transferts d'emplois «stratégiques» avaient pour effet de «détériorer davantage» la productivité du Canada, qui est déjà inférieure à celle de nombreux autres pays.

«En fait, les emplois qui sont transférés dans les pays émergents, ce sont les emplois de début de carrière, a-t-il déclaré. (...) En envoyant ces emplois ailleurs, nous perdons la prochaine génération de créateurs et de concepteurs en technologies de l'information si essentielle à notre productivité. Nous sommes en train d'attaquer l'arbre à ses racines.»

Le président exécutif du conseil d'administration de CGI a estimé qu'au cours des dernières années, pas moins de deux millions d'emplois avaient été délocalisés de l'Amérique du Nord et de l'Europe vers l'Inde, qui a développé un grand savoir-faire en matière de technologies de l'information (TI).

Serge Godin a tout de même reconnu que CGI n'échappait pas au phénomène puisque 4000 de ses 31 000 employés, soit 13%, travaillent en Inde. Il a cependant expliqué que l'entreprise avait fait le pari d'établir des «centres d'excellence» dans des régions de l'Amérique du Nord où les salaires sont moins élevés, comme le Saguenay et la Virginie, ce qui a permis d'éviter des délocalisations dans des pays émergents.

«Il faut cesser d'invoquer la pénurie de personnel qualifié en TI pour justifier le déplacement des emplois», a-t-il lancé, en faisant état des nombreux professionnels licenciés dans la foulée de la crise financière et de la faillite du géant Nortel.

Libre-échange avec l'Inde

Le dirigeant a par ailleurs dit espérer que les négociations commerciales actuellement en cours entre Ottawa et New Delhi ne se traduisent pas par un libre-échange qui avantagerait indûment les entreprises informatiques indiennes voulant percer le marché canadien.

«Avant de poursuivre ces négociations, puisque le Canada n'a pas encore de stratégie à l'égard des 800 000 emplois dont il est ici question, il devient impératif de se doter d'une telle stratégie», a-t-il affirmé.

M. Godin a souligné que les entreprises indiennes de services en technologies de l'information bénéficient d'un taux d'imposition d'environ 12 pour cent, alors que leurs concurrentes canadiennes sont assujetties à un taux moyen de 35%.

Pour rétablir l'équité, il a notamment suggéré qu'Ottawa mette en place des «mesures compensatoires» pour favoriser les entreprises canadiennes, sans toutefois donner plus de détails.

Serge Godin a également déploré la diminution du nombre de sièges sociaux au Canada, qui est passé de 2409 en 1999 à 2088 en 2009, selon Statistique Canada. Montréal a écopé de près de la moitié de cette baisse. Or, une entreprise comme CGI est très dépendante des sièges sociaux pour survivre, a-t-il noté.

Afin de renverser la tendance, le dirigeant a repris deux idées déjà mises de l'avant par des spécialistes: le retrait du droit de vote aux actionnaires à court terme et l'adoption de lois rendant plus difficile la prise de contrôle d'entreprises par des intérêts étrangers.

Don d'actions

M. Godin a enfin annoncé mardi son intention de vendre 732 000 actions de CGI provenant d'options de dix ans dont la date d'expiration approche. Cela représente environ 2,2% des actions et titres convertibles qu'il détient.

Les quelque 14,4 millions $ issus de la vente seront versés à des oeuvres de bienfaisance, a précisé CGI dans un communiqué.

L'action de CGI a clôturé à 19,65$ mardi, en hausse de 1%, à la Bourse de Toronto.