Un scandale financier vient encore une fois ébranler la communauté juridique de Montréal. L'avocat Dany Perras est soupçonné d'avoir participé à une importante fraude financière qui aurait fait perdre des millions de dollars à des investisseurs de la région de Montréal, principalement de la communauté juive.

Pour le moment, on estime qu'une quinzaine de personnes réclameraient des fonds oscillant entre 5 et 10 millions de dollars à Dany Perras. «L'argent a disparu», nous dit l'avocat Neil Stein, qui représente lui-même une dizaine de clients.

La famille Gameroff, de Westmount, fait partie des victimes. Le 19 octobre, elle a obtenu une saisie avant jugement d'un compte de banque appartenant à Dany Perras et une saisie de la portion de sa résidence de Hampstead dont il est propriétaire (50%). Le même jour, Dany Perras a démissionné du Barreau du Québec.

La famille Gameroff a fait un prêt de 1,44 million de dollars en trois tranches entre le 27 septembre et le 6 octobre. Les fonds ont été versés dans le compte en fidéicommis de M. Perras et devaient être remboursés à très court terme. Le rendement promis variait entre 2 et 4% par semaine.

Or, le 18 octobre, les Gameroff ont appris que le compte en fidéicommis de M. Perras était vide et qu'ils ne seraient pas remboursés. Dans le jugement de saisie, consulté par La Presse, le juge écrit que «l'affidavit et les pièces laissent craindre une appropriation illégale des sommes d'argent confiées au défendeur [Dany Perras] (...) Ces craintes sont en quelque sorte confirmées par l'absence du défendeur [aux audiences], qui a pourtant reçu signification de la requête».

Séjour chez Kaufman Laramée

Pendant six mois, Dany Perras a été l'un des associés du cabinet Kaufman Laramée, nous indique l'avocat qui défend aujourd'hui le cabinet dans cette affaire, Wiliam Brock. M. Perras a quitté le cabinet le 30 juin parce que celui-ci était insatisfait de son travail, nous dit M. Brock.

À la fin de septembre, Kaufman Laramée a constaté que M. Perras avait fait, pendant sa période d'embauche, des transactions non autorisées dans le compte en fidéicommis de la firme, explique M. Brock. Une plainte a immédiatement été déposée au syndic du Barreau.

Selon Me Brock, une dizaine de clients auraient participé au stratagème de M. Perras avec le compte en fidéicommis de Kaufman Laramée avant le 30 juin, mais un seul n'a pas été remboursé, pour une somme de moins de 30 000$.

Le stratagème de prêt est semblable pour toutes les victimes, mais il ne concerne pas les mêmes emprunteurs, explique Neil Stein. Essentiellement, les victimes ont versé des fonds dans le compte en fidéicommis de Me Perras en se faisant promettre que jamais ils ne seraient versés à l'emprunteur.

Les fonds ne devaient servir qu'à embellir le portrait financier des divers emprunteurs, question qu'ils puissent convaincre des tiers de la validité de leur projet. Les fonds du compte en fidéicommis donnaient aux emprunteurs une présumée apparence de liquidités suffisantes.

Selon Me Stein, ces contrats de prêts sont illégaux, puisqu'ils ont pour objectif de falsifier des documents financiers. «Parmi les recours contre M. Perras, on examine une requête en faillite, ce qui nous permettrait de faire enquête et de déterminer où sont allés les fonds», dit Me Stein.

Dany Perras aurait commencé son stratagème en utilisant d'abord un compte de la Banque CIBC, puis un compte de la Banque de Montréal. Certains clients se sont plaints à l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui nous confirme «examiner certaines informations» au sujet de M. Perras.

Nous avons laissé un message à M. Perras, mais il n'a pas rappelé. Son avocat criminaliste, Erick Vanchestein, nous a écrit qu'il ne peut nous «fournir aucun renseignement relativement à cette affaire».

Dans les derniers mois, divers avocats ont fait la manchette. Entre autres, l'avocat Jean-Pierre Desmarais a été accusé d'avoir participé à une collecte illégale de fonds grâce à son compte en fidéicommis. L'Autorité des marchés financiers (AMF) réclame contre Me Desmarais une amende de 1 million de dollars et réclame cinq ans de prison.