Tandis que les Européens jouent leur va-tout pour contenir la crise financière, la Banque du Canada croise les doigts pour qu'ils réussissent.

«Le risque que la crise en Europe ne soit pas contenue est le plus grave auquel sont exposées les économies canadienne et mondiale, prévient-elle dans la dernière mouture de son Rapport sur la politique monétaire (RPM). Les effets sur le Canada, passant par la voie des liens financiers, de la confiance et des échanges commerciaux, seraient considérables compte tenu de la taille et de l'importance de la zone euro.»

Les autorités monétaires font le pari dans leur récent scénario que la crise sera «contenue». Les élus sont conscients du sérieux de la situation dont ils comprennent toute la complexité. En outre, ils sont motivés dans la tâche à accomplir.

«Contenue» ne signifie pas «résolue», cependant, sans compter qu'un échec reste possible et très dangereux pour l'économie mondiale.

L'exacerbation des derniers mois se répercute déjà sur les marchés financiers, sur la confiance des ménages et des entreprises.

Voilà pourquoi la Banque présume qu'après un redressement de la croissance à hauteur de 2,0% en rythme annuel durant l'été, l'économie canadienne ralentit de nouveau au point où l'expansion sera limitée à 0,8% cet automne. En juillet, elle misait plutôt sur un robuste 2,9%.

Durant l'hiver et le printemps, l'expansion devrait s'accélérer tout doucement à 1,9% et 2,5%, ce qui reste inférieur à son scénario de juillet.

Nos exportations nettes se révèlent beaucoup moins vigoureuses que prévu. Elles retrancheront cette année près d'un point de pourcentage à l'expansion de l'économie alors qu'on avait misé sur un frein de 0,4%, seulement.

Cela est surtout attribuable à la faiblesse de la reprise américaine. La Banque estime à 1,7% seulement la croissance de la première économie du monde, cette année et l'an prochain, comparativement à 2,4% et 3,2% dans son scénario de juillet.

Cette hypothèse, jugée pessimiste par certains prévisionnistes du secteur privé, ne tient pas compte du stimulant que pourrait apporter le plan de relance de l'emploi du président Barack Obama. «Si l'ensemble de ces mesures étaient mises en oeuvre, cela pourrait ajouter jusqu'à 1,3 point de pourcentage à la croissance en 2012 grâce aux réductions d'impôt et à l'augmentation des dépenses et des transferts, mais en retrancherait près d'un point de pourcentage en 2013», lit-on dans le RPM.

L'été dernier, le gouverneur Mark Carney avait qualifié de «fiasco» le débat au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette. Cela explique sans doute la prudence de la Banque.

Pour la zone euro, elle estime que la croissance sera limitée à 0,2% seulement en 2012, alors qu'elle misait sur 1,6% cet été. Une légère récession est sans doute déjà en cours.

Chez nous, la faible expansion comblera plus lentement l'écart de production. «Dans l'ensemble, la Banque est d'avis que l'économie tournait à environ 1,25% en deçà de son plein potentiel au troisième trimestre de 2011», lit-on aussi.

Ce n'est qu'à la fin de 2013 que l'économie aura recouvré son plein potentiel et que l'inflation sera de nouveau à 2%, après une plongée prochaine à 1%. Ce scénario «intègre une réduction de la détente monétaire», alors que le taux directeur est fixé à 1% depuis septembre 2010.

À moins que l'Europe ne fasse tomber ce château de cartes.