Le G20 a assuré samedi avoir franchi une étape «fondamentale» sur la voie d'une régulation des flux financiers spéculatifs vers les pays émergents -violents et sources de déstabilisation économique- mais le dispositif doit encore être affiné et faire ses preuves.

«C'est une évolution fondamentale», s'est félicité le ministre français des Finances, François Baroin, dont le pays assure jusqu'en novembre la présidence du G20, organisation qui réunit les vingt principaux pays riches et émergents. L'accord en trois points a été obtenu à l'issue d'une réunion à Paris avec ses collègues du G20.

Jusqu'à présent, a encore souligné M. Baroin, cette question était «marquée par une doctrine qui récusait toute restriction à la libre circulation des capitaux».

Une analyse partagée par Philippe Martin, professeur d'économie à Science Po. «Les restrictions sur les mouvements de capitaux étaient inenvisageables avant la crise de 2008», a-t-il souligné, interrogé par l'AFP. Elles allaient «à l'encontre de l'idée que les capitaux vont là où les rendements sont les plus élevés».

Pour le ministre brésilien des Finances, Guido Mantega, le groupe de travail qui planchait depuis plusieurs mois sur ce sujet épineux à la demande de la présidence française du G20, est au moins arrivé à «une conclusion très importante».

«Elle donnera la liberté aux pays qui se sentent victimes des flux de capitaux d'intervenir sur le marché des changes pour en atténuer les conséquences», a-t-il expliqué.

Parfois dépassé par son succès, le Brésil a figuré parmi les principales économies émergentes victimes de ces mouvements erratiques de capitaux. Ils se traduisent par une appréciation brutale et artificielle de leurs devises qui met en danger leur croissance et leurs exportations, provoque des poussées inflationnistes et, in fine, nuit à leur croissance économique.

Pour tenter de faire chuter ces taux de changes, plusieurs de ces économies ont eu recours à une taxation des flux de capitaux entrants. «Elles veulent continuer à le faire sans autorisation alors que les pays du G20 veulent des règles», observe M. Martin. Toute la question d'ici au sommet de Cannes du G20 des 3 et 4 novembre sera donc de placer correctement le curseur.

Selon M. Baroin, le premier accord conclu samedi prévoit un «cadre» assorti «de conditions très fortes pour la gestion des flux de capitaux». Ce plan d'action, a-t-il détaillé, sera renforcé «par un autre plan pour le développement des marchés obligataires en monnaie locale».

L'objectif est de «rendre les pays émergents moins dépendants des financements en devises qui peuvent être très déstabilisateurs en cas de crise des changes», a-t-il expliqué.

Quant au troisième et dernier volet de l'accord, il s'agit selon lui de «consignes de coopération entre le Fonds monétaire international (FMI) et les dispositifs régionaux» de régulation de ces flux de capitaux.

À l'automne 2008, dans les jours qui avaient suivi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, quelque 300 milliards de dollars de capitaux avaient brutalement fui les économies émergentes en l'espace d'un mois.

Deux autres rechutes ont été observées au plus fort de la crise de la dette dans la zone euro en 2010.

Le chemin vers une régulation financière reste cependant semé d'embûches. Ainsi, début octobre, la chancelière allemande Angela Merkel tempérait les espoirs de la présidence française, soulignant que le contrôle des capitaux ne doit intervenir qu'en «dernier ressort».