Si on se fie à deux enquêtes américaines, le marché du travail ne s'est guère amélioré au sud de la frontière, le mois dernier.

D'une part, l'enquête ADP, mené auprès de 340 000 entreprises dotées d'un effectif total de 21 millions de personnes fait état de 91 000 salariés de plus qu'en août.

D'autre part, la firme Challenger, Gray&Christmas (GG&C) a compilé 115 730 annonces de licenciement au cours du mois, soit plus du double d'août et le nombre le plus élevé depuis mai 2009.

Enfin, les données de l'ISM non manufacturier qui font état d'une croissance dans le secteur des services en septembre révèlent aussi que l'indice d'embauche est passé sous la barre de 50, à 48,7, son niveau le plus faible en 17 mois. Cela reflèterait une contraction prochaine de l'emploi dans ce secteur qui représente plus des deux tiers de l'économie. «Les entreprises semblent prendre de l'expansion en utilisant davantage leur personnel plutôt qu'en embauchant», explique Peter Buchanan, économiste chez CIBC.

Les résultats d'ADP se veulent un indicateur des données de l'enquête sur le nombre de salariés publiés par le département du Travail (DdT). Ils sont un peu plus élevés que la prévision médiane de 75 000 des économistes américains. À cette exception importante près: les économistes incluent dans leur prévision le retour au travail des 45 000 grévistes de la société de télécommunications Verizon, ADP pas. En les additionnant, cela porte à 136 000 la prévision d'ADP, ce qui en fait un pronostic très optimiste. «Ce qu'il y a d'étonnant dans ces chiffres, c'est qu'ils ressemblent à ceux d'août alors que les demandes initiales d'assurance-chômage ont bondi entre les deux enquêtes», fait remarquer Brian Jones, économiste chez Société générale.

Par le passé, ADP a souvent donné de faux signaux. Ainsi en août, elle avait recensé 90 000 embauches nettes par le secteur privé alors que le chiffre du DdT était de seulement 17 000.

Pour septembre, 90 000 des 91 000 nouveaux salariés auraient été recrutés par le secteur des services, selon ADP, ce qui semble aller à l'encontre de l'ISM non manufacturier.

En outre, les données de GG&C font état de 31 000 annonces de licenciement dans l'industrie financière, la grande majorité venant de Bank of America aux prises avec de grandes difficultés. L'enquête menée par la firme de Chicago ne précise pas toutefois si les licenciements ont été vraiment réalisés en septembre.

Ils pourraient s'échelonner sur plusieurs années, comme la coupe de 50 000 membres des Forces armées d'ici cinq ans, annoncées le mois dernier.

L'enquête est cependant une bonne indication de la tendance de l'emploi dans le secteur public américain au moment où Washington doit comprimer ses dépenses. En août, le secteur public avait retranché 17 000 postes.

Les données de GG&C font par ailleurs état de 76 551 intentions d'embauches prochaines. Pour plus de 71 000 postes, il s'agit d'emplois saisonniers cependant, liés au commerce de détail pour faire face aux achats de bébelles d'Halloween et de cadeaux de Noël. L'an dernier, c'était plutôt 123 000.

Si l'enquête de GG&C dit vrai, alors les chiffres de vendredi pourraient décevoir une fois de plus et empoisonner davantage le climat politique délétère, au moment où commencent les négociations du Comité conjoint de réduction du déficit. Ce Comité formé de six démocrates et de six républicains issus des deux chambres du Congrès doit s'entendre d'ici la Thanksgiving sur un plan de réduction du déficit de 1200 milliards échelonnés sur 10 ans. Un de ses enjeux sera la reconduction de la baisse de taxe de 2% sur la masse salariale qui vient à échéance le 31 décembre. Sa non-reconduction ralentirait encore la création d'emplois.

Demain, nous connaîtrons aussi les données canadiennes du marché du travail. On s'attend à ce que Statistique Canada annonce la création de 10 000 à 15 000 emplois, ce qui devrait permettre au taux de chômage de se maintenir à 7,3%. Aux États-Unis, on s'attend à ce qu'il demeure à 9,1%. En 29 mois, il n'aura franchi le plancher des 9% qu'une seule fois.