Comme il fallait s'y attendre, la Réserve fédérale américaine (Fed) va allonger l'échéance moyenne de son portefeuille d'obligations américaines (Treasuries). Elle a toutefois surpris les experts avec une stratégie pour sortir le marché de l'habitation de son bourbier.

Le communiqué de la Fed (en français)

> Le communiqué de la Fed (en anglais)

D'ici juin prochain, elle entend troquer 400 milliards de Treasuries venant à échéance dans trois ans et moins contre des obligations dont la durée varie de 6 à 30 ans. Baptisé «opération Twist» quand la Fed l'avait utilisé la première fois en 1960 alors que le twist était dans le vent, «ce programme devrait exercer des pressions à la baisse sur les taux d'intérêt à long terme et contribuer à rendre plus accommodantes les conditions financières», lit-on dans le communiqué de la Fed.

Près du tiers de ses achats seront dans les échéances 6 à 8 ans, autant dans les 8 à 10 ans, et le reste dans les 10 ans et plus.

«La Fed semble viser à abaisser surtout les taux hypothécaires de 30 ans dans le but de stimuler le marché du logement, note Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. Reste à voir si ça va marcher.»

La banque centrale américaine s'attaque aussi à la relance du marché du logement.

Le principal et les intérêts des obligations arrivées à échéance qu'elle détient dans les assureurs et acheteurs de prêts hypothécaires en tutelle Fanny Mae et Freddie Mac, de même que leurs titres adossés à des actifs hypothécaires (TAAH) achetés par la Fed dans son premier programme de détente monétaire quantitative lancé en 2009, serviront au rachat de nouveaux TAAH. Jusqu'ici, ils étaient réinvestis dans l'achat de Treasuries.

«La Fed considère que le marché de l'habitation est la clé de la transmission de la politique monétaire, analyse James Marple, économiste principal chez TD. En rachetant des TAAH, la Fed veut s'assurer que l'écart entre les Treasuries et les taux hypothécaires reste faible afin de permettre à plus de ménages de renégocier leurs prêts à de meilleurs taux.»

Ces deux stratégies n'activent pas la planche à billets comme les deux programmes de détente monétaire précédents. La Fed n'a fait aucune allusion directe à une troisième phase de détente, à la différence de la Banque d'Angleterre qui s'apprête à en lancer une autre.

Cela reflète à la fois les avertissements lancés par les leaders républicains au Congrès qui s'y opposent mordicus tout comme 3 membres sur 10 du Comité de politique monétaire présidé par Ben S. Bernanke qui ont fait dissension à nouveau hier. En août, lorsque la Fed avait annoncé le maintien de son taux directeur dans une fourchette de 0% à 0,25% au moins jusqu'au milieu de 2013, ces dissidents se sont opposés à tout nouveau stimulus.

M. Bernanke refuse cependant de rester les bras croisés devant un taux de chômage à 9,1% et les risques accrus qui pèsent sur l'économie et la finance mondiale.

La décision de la Fed a été accueillie froidement par les marchés financiers. Marginalement à la baisse dans les minutes précédant la décision, les grands indices ont décroché et abandonné plus de 2% de valeur.

Le dollar américain s'est renforcé contre la plupart des monnaies franchissant même la parité avec le huard.

Les taux des obligations de longue échéance ont de nouveau faibli, surtout les 30 ans qui ont abandonné 19 centièmes, à 3,01%, le taux le plus faible depuis janvier 2009.

On peut attribuer ces replis autant à l'annonce de la Fed qu'à l'inquiétude qui prévaut toujours sur la résolution de la crise de la dette souveraine dans la zone euro.

«On ne sait pas jusqu'où mènera la politique monétaire actuelle, alors que la Fed essaie de gagner du temps en attendant le Congrès dont les atermoiements au sujet de la politique budgétaire s'éternisent, notent Stéfane Marion et Paul-André Pinsonnault, de la Banque Nationale. M. Bernanke offre certes un environnement propice à la croissance, mais l'incertitude budgétaire en mine l'efficacité.»