À 88 ans, le scénariste de bande dessinée le plus prolifique du monde pourrait s'accorder un repos bien mérité. C'est mal connaître Stan Lee, créateur de Spider-ManX-Men, les Quatre FantastiquesHulk et Iron Man. «Mon seul regret, c'est que les journées sont trop courtes!», lance l'ancien président de Marvel Comics à La Presse Affaires.

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Ses journées sont peut-être trop courtes, sa carrière a été longue et remplie de succès. Son plus grand coup d'éclat? Spider-Man, le personnage de dessin animé qu'il a créé en 1962 avec le dessinateur Steve Ditko. Un héros précurseur pour l'époque qui a bien failli rester à jamais sur les tables à dessin de Marvel Comics. «Je voulais un héros différent, mais mon éditeur m'a dit que c'était la pire idée de bande dessinée qu'il avait entendue de sa vie! Selon lui, un héros ne pouvait être un adolescent, le nom n'était pas bon parce que les gens n'aiment pas les araignées et un héros ne pouvait pas avoir de problèmes personnels», dit Stan Lee, de passage à Montréal le week-end dernier pour donner une conférence au festival Comiccon de Montréal.

Stan Lee joue toutefois un tour à son patron quand une autre des bandes dessinées de Marvel Comics, Amazing Fantasy, est retirée des tablettes après des ventes décevantes. «Comme on peut toujours mettre un peu n'importe quoi dans le dernier exemplaire, j'ai mis Spider-Man en couverture... et les ventes ont été fantastiques! Le lendemain, mon patron est venu me voir: "Tu sais, le personnage de Spider-Man que toi et moi aimons tant, bien tu devrais en faire une série..."»

Spider-Man deviendra l'un des grands succès - sinon le plus grand - de Marvel Comics. En bande dessinée, à la télé et finalement au grand écran. Durant les années 2000, la trilogie de films mettant en vedette Tobey Maguire et Kirsten Dunst a généré 2,5 milliards de dollars au box-office. «Les films aident à vendre les bandes dessinées, mais les bandes dessinées aident les gens à mieux comprendre les personnages des films», dit Stan Lee.

Poursuite

Le cinéma l'a aussi rendu riche. En 2002, Stan Lee a poursuivi son ancien employeur en faisant valoir que son contrat lui donnait droit à 10% des profits des films de ses héros. Les deux parties se sont entendues à l'amiable. Les termes de l'entente n'ont jamais été dévoilés, mais Marvel avait dû prendre à l'époque une provision spéciale de 10 millions de dollars dans ses états financiers pour payer son ancien dirigeant. Stan Lee pourrait revenir en cour prochainement, cette fois-ci comme témoin de Marvel Comics dans la poursuite pour droits d'auteur intentée par la succession de son ancien collaborateur Jack Kirby.

Propriété de Walt Disney depuis 2009, Marvel Comics prépare un nouveau film sur les aventures de Peter Parker, The Amazing Spider-Man, à l'affiche en juillet prochain. Tradition oblige, Stan Lee fera une apparition dans un rôle mineur. «Ce sera un excellent film et je fais une apparition plutôt drôle, vous verrez...»

Origines modestes

Comme son héros Peter Parker, Stan Lee est un New-Yorkais aux origines modestes. Adolescent, il occupe plusieurs emplois pour joindre les deux bouts quand il entend parler d'un poste d'assistant dans une maison d'édition. «Je lisais des bandes dessinées à l'époque, mais je n'étais pas un mordu, dit-il. Pour moi, c'était seulement un emploi», dit-il.

Ça deviendra vite une vocation. Deux ans plus tard, à 19 ans, il est l'un des patrons de la boîte qui deviendra plus tard Marvel Comics. «Pour moi, le défi a toujours été de rester intéressé par les affaires, dit-il. Je ne suis pas resté le grand patron de Marvel Comics très longtemps. Je m'occupe d'avoir les idées et je laisse les autres gérer mes affaires.»

Sept décennies plus tard, Stan Lee a toujours le feu sacré - en plus d'avoir su s'adapter aux dernières tendances. Au milieu des années 2000, il a animé une émission de téléréalité sur la chaîne américaine Syfy. En 2010, son entreprise POW! Entertainement, dont le titre a perdu 62% à la Bourse de New York depuis le début de l'année 2011, s'est associée à la LNH pour créer 30héros de bande dessinée, un pour chacune des équipes. Stan Lee a aussi des projets avec Toon Boom Animation, PME montréalaise spécialisée en logiciels d'animation.

Stan Lee planche actuellement sur une version futuriste de Roméo et Juliette, qu'il veut camper dans le roman graphique le plus ambitieux du monde. «Les Capulet sont des cyborgs et les deux familles se battront avec leurs habiletés mentales, dit-il. Je ne serais pas surpris que ça se termine en film...»

À 88 ans, pas question de ralentir. «J'aime rester occupé», dit Stan Lee. Celui-ci a pourtant failli lâcher les bandes dessinées au début des années 60. «J'étais fatigué d'écrire des histoires comme mon éditeur le voulait, dit-il. Je songeais à quitter Marvel, mais ma femme m'a convaincu de continuer. Elle m'a dit: "Reste et fais à ta tête. Au pire, ils vont te virer, mais tu voulais partir de toute façon." Heureusement, j'ai suivi son conseil et le reste fait partie de l'histoire...»