L'écart entre riches et pauvres est en croissance, ce qui ne surprendra peut-être personne. Ce qui est plus surprenant, par contre, c'est que le fossé s'est élargi plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis depuis le milieu des années 90.

> Sur le blogue de Sophie Cousineau: Le fossé se creuse au Canada

C'est ce qu'indique le Conference Board dans une étude publiée hier. Le Canada reste un pays plus égalitaire que les États-Unis, explique Anne Golden, présidente et chef de la direction de l'organisme, mais l'écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres s'est accru plus vite au Canada entre 1995 et 2010.

Le fossé entre riches et pauvres peut se creuser parce que les nantis deviennent plus riches, ou que les pauvres s'appauvrissent, ou les deux à la fois. Au Canada, la tranche des 20% les plus favorisés s'est enrichie davantage, précise le Conference Board. Ces 20% de la population accaparent 40% des revenus totaux.

Les plus pauvres se sont aussi enrichis pendant la période, mais très peu, ce qui fait que l'écart s'est agrandi entre les deux.

Le scénario est le même partout dans le monde. En fait, 72% de la population mondiale vit dans des pays où les inégalités de revenus ont crû, 22% a expérimenté une diminution des inégalités, et 7% de la population n'a vécu aucun changement. En général, les pays les plus égalitaires, comme le Canada, mais aussi la Suède, la Finlande et le Danemark, sont aussi ceux où les inégalités ont augmenté le plus rapidement depuis 15 ans.

L'exception du Québec

Le coefficient de Gini, qui est la mesure la plus utilisée pour évaluer les inégalités de revenus, place le Canada au milieu des pays comparables, selon le Conference Board. L'écart entre les riches et les pauvres est plus grand au Canada qu'au Danemark, en Norvège, en Suède ou en Finlande. Mais Le Canada est plus égalitaire que les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Australie.

Le Québec est, de toutes les provinces canadiennes, celle où les inégalités de revenus sont les moins prononcées, rappelle l'économiste Pierre Fortin, de l'Université du Québec à Montréal.

Depuis 15 ans, le coefficient qui mesure les inégalités de revenus au Québec a augmenté trois fois moins vite qu'au Canada, a-t-il calculé.

Selon lui, l'augmentation des inégalités au Canada depuis 15 ans s'explique par les politiques des gouvernements de droite en Alberta et en Ontario, de même que par le resserrement des règles de l'assurance-chômage. Au Québec, c'est essentiellement les changements à l'assurance-chômage qui expliquent la hausse des inégalités. «Depuis 1997, le coefficient de Gini du Québec est stable», a-t-il précisé.

L'augmentation des inégalités de revenus s'explique par les forces du marché, et notamment la technologie, qui a créé une grande demande pour la main-d'oeuvre spécialisée, par la déréglementation et par la mondialisation, selon la recherche citée par le Conference Board.

Pierre Fortin souligne que la mondialisation, en transférant les activités manufacturières vers les pays où la main-d'oeuvre est moins chère, appauvrit la tranche la plus pauvre de la population des pays les plus riches.

Les pays les plus pauvres en profitent. Globalement, l'écart entre les pays riches et les pauvres a diminué depuis 15 ans, en raison de la forte croissance économique de la Chine et de l'Inde. Selon le Conference Board, 42% de la richesse mondiale appartient à 10% de la population du globe, tandis que les plus pauvres, qui comptent pour 10% de la population, ne reçoivent que 1% de la richesse totale.

Pour faire écho à l'étude du Conference Board, des données publiées hier par l'administration américaine indiquent que le taux de pauvreté est à son niveau le plus élevé depuis 17 ans aux États-Unis. La proportion de personnes pauvres est passée de 14,3% en 2009 à 15,1% en 2010. Ça représente 46,2 millions de personnes.

Le nombre d'Américains vivant dans la pauvreté est aussi à un sommet en 52 ans, soit depuis qu'on compile ce genre de statistiques.

Au Canada, les ménages se sont aussi appauvris au deuxième trimestre de 2011, selon Statistique Canada.

La valeur nette des ménages, qui représente la valeur de l'actif diminuée des dettes, a baissé de 0,3% pendant la période. La baisse des valeurs boursières et l'augmentation de l'endettement expliquent cet appauvrissement.

Au deuxième trimestre, l'endettement des ménages canadiens est passé de 147% de leurs revenus à 149%.