Au moment où Silvio Berlusconi s'apprête à imposer aux Italiens une cure d'austérité drastique, un mouvement de citoyens cherche à remettre en cause les avantages fiscaux de l'Église catholique, un tabou pour la majorité de la classe politique et le Vatican.

À l'initiative du parti radical italien, ce mouvement sur Facebook a déjà rassemblé plus de 130 000 signatures. Il demande que les privilèges fiscaux de l'Église et du Vatican soient revus, au moment où toutes les catégories sociales protestent contre les sacrifices qui les attendent.

Les radicaux demandent notamment que des milliers de biens immobiliers de l'Église cessent d'être exemptés des taxes immobilières locales.

Selon eux, la seule présence par exemple d'une chapelle dans un hôtel, une installation sportive ou un organisme touristique suffit pour que ces propriétés, parfois très lucratives, échappent à ces impôts.

Dans sa dernière édition, l'hebdomadaire de gauche L'Espresso lance une charge virulente contre l'Église sous le titre «la sainte évasion», en affirmant que «la loi n'est pas la même pour tous».

Selon L'Espresso, la puissante conférence des évêques a fait pression sur tous les gouvernements italiens de droite comme de gauche pour qu'ils refusent tout changement du régime fiscal de l'Église.

Outre des exemptions fiscales sur certains biens immobiliers, l'Église bénéficie du «cinq pour mille», une part de l'impôt sur le revenu destinée aux caisses du clergé, et du «huit pour mille», une autre part redistribuée à un certain nombre de cultes et qui bénéficie surtout à l'Église catholique.

Des impôts qui lui permettent de conserver un niveau de vie privilégié, au dessus de celui de la société italienne, dénoncent les critiques.

Des subsides qui permettent à l'Église de remplir des oeuvres éducatives, hospitalières, de lutte contre la pauvreté, que l'État italien n'assume pas suffisamment, répondent ses défenseurs. Et de mettre en garde contre l'écroulement de ce système.

Cette redistribution du «huit pour mille» avait été instituée par l'ancien président du Conseil socialiste Bettino Craxi, dans le cadre d'un concordat signé en 1984 et intouché depuis.

La conférence des évêques a vivement réagi, son quotidien Avvenire dénonçant «une impressionnante campagne politico-médiatique» faisant état de chiffres  fantaisistes et non confirmés concernant les richesses de l'Église.

Il s'agit selon lui de la réaction du «puissant parti de l'évasion fiscale» à un ferme appel du président de la conférence épiscopale, le cardinal Angelo Bagnasco, lancé mi-août aux Italiens, à cesser de frauder massivement et placer leurs fonds à l'étranger.

Le Vatican a lui dénoncé la «désinformation» et les simplifications qui tendent notamment à assimiler dans l'esprit des Italiens les biens de l'Église italienne et ceux de l'État du Vatican, régis par les accords de Latran de 1929. Selon Radio Vatican, cette campagne joue avec «l'imaginaire collectif de l'Italien moyen».

Angelino Alfano, secrétaire du parti de Silvio Berlusconi, le Peuple de la Liberté (PdL), a pris la défense de l'Église: «tenter de pénaliser l'Église signifie faire du mal aux personnes qui sont le plus sans défense», a-t-il dit.

Dans les partis de centre-gauche, dont une partie de l'électorat est catholique, la réticence est aussi perceptible face aux revendications des radicaux.

Pour le vaticaniste Bruno Bartoloni, si «les ordres religieux font valoir que ces exemptions leur permettent de mener des oeuvres caritatives», il faudra cependant un jour que «tout ce système soit changé de manière claire, l'Église devant se montrer plus solidaire avec les contribuables».