Si le Canada est parvenu à très bien relancer son économie après la récession de 2008-2009, il n'échappe pas au ralentissement inquiétant des États-Unis et de l'Europe.

Après un très bon premier trimestre d'expansion de plus de 3% en rythme annuel, notre économie a vraisemblablement connu une contraction au printemps qui l'aura laissée sans allant pour la seconde moitié de l'année.

On en a eu une preuve de plus hier avec la publication par Statistique Canada des ventes des grossistes. Leurs volumes ont reculé de 0,5% alors qu'ils avaient plutôt grimpé de 1,6% en mai, mois marqué malgré cela par une baisse de 0,3% du produit intérieur brut mesuré par industrie.

En juin, les ventes des manufacturiers ont aussi reculé pour le troisième mois d'affilée tandis que le déficit commercial du printemps va à lui seul retrancher de quatre à cinq points de pourcentage au calcul de la variation de la taille de l'économie.

Deuxième économie du G7 après l'Allemagne au premier trimestre, le Canada aura fait sans doute figure de cancre d'avril à juin quand on aura les résultats d'ensemble le 31 août.

Au point où on spécule déjà sur une baisse du taux directeur de la Banque du Canada en décembre alors qu'on tablait encore le mois dernier sur une ou deux hausses d'ici la fin de l'année.

Chez CIBC, on a repoussé la prévision de première hausse au printemps plutôt qu'en octobre tandis que Desjardins reportait la sienne au printemps de 2013.

Les prévisionnistes estiment aussi probable que le huard repasse sous la parité prochainement avant de reprendre un certain envol l'an prochain.

Vers la décroissance

«Nous avons sabré nos perspectives de croissance du PIB en 2012 pour les États-Unis (de 2,7% à 1,5%) et pour le Canada (de 2,7% à 2,1%), précisait hier Jimmy Jean, économiste stratège chez Desjardins Marchés des capitaux. L'économie américaine restera handicapée par des enjeux structurels (le logement, le désendettement des ménages, le chômage prolongé, etc.) sans que la politique fiscale puisse venir à la rescousse. Notre nouvelle prévision pour le Canada s'appuie sur la contribution négative du commerce extérieur, le ralentissement des dépenses gouvernementales (déjà présent au premier trimestre), de la construction résidentielle (avec la consolidation du marché de l'habitation) et de l'investissement des entreprises.»

Ces révisions ne doivent pas surprendre. Tous les scénarios économiques et financiers sont recalibrés depuis que le Bureau of Economic Analysis a révélé, le 29 juillet, que la Grande Récession américaine avait été beaucoup plus profonde que perçue jusque là et la reprise, beaucoup plus faible.

L'entrée des États-Unis en expansion sur laquelle se fondaient tous les scénarios, y compris celui de la Banque du Canada, ne s'est pas matérialisée encore.

Et elle ne paraît pas pour bientôt, si on en juge par les très mauvais indicateurs publiés hier qui n'avaient rien pour rassurer les investisseurs, ni les exportateurs canadiens. En août, l'activité manufacturière américaine montrait des signes de faiblesse, selon le dangereux piqué de l'indice de la Fed de Philadelphie. Pire, les nouvelles commandes avaient diminué, signe que les entreprises tergiversent.

«Même si une récession peut être évitée, nous patinons certainement sur de la glace mince», s'inquiète Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

Les reventes de maison étaient à la baisse pour le quatrième mois d'affilée, le mois dernier. Le nombre de maisons sur le marché équivaut à 9,4 mois de ventes, un ratio en hausse qui explique que le prix médian des maisons baisse à nouveau.

Enfin, les demandes initiales d'assurance chômage sont repassées au-dessus de la barre des 400 000, la semaine dernière.

«On entend de plus en plus parler de récession», commentait hier Jennifer Lee, économiste principale chez BMO Marchés des capitaux.

La débandade boursière d'hier a été en plus nourrie par l'abaissement par Morgan Stanley et par Deutsche Bank de leurs prévisions de croissance mondiale.

Dans un tel contexte de morosité, on aurait pu s'attendre à un ralentissement de l'inflation américaine. L'indice des prix à la consommation a plutôt bondi de 0,5% en juillet, un sommet cette année, gardant le rythme de la marche des prix à 3,6%. En excluant les aliments et l'énergie, on observe une hausse de 0,2% et un rythme annuel de 1,8%.

«L'inflation nuit encore une fois au revenu disponible: les salaires réels ont diminué de 0,1% en juillet, une première baisse depuis avril», s'attriste Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins.

Mince lueur

Tout n'est pas forcément noir et l'humeur des marchés est bien changeante ces jours-ci. Hier, Statistique Canada nous a appris que son indicateur composite avancé avait une nouvelle fois avancé en juillet bien que faiblement.

La 29e enquête annuelle sur la rémunération menée cet été par Morneau Shepell auprès de plus de 250 organisations employant quelque 1,2 million de personnes a indiqué qu'elles avaient l'intention d'accorder des hausses moyennes de 2,8% en 2012. Cela peut sembler beaucoup, mais c'est la première fois en 10 ans qu'elles sont sous le taux d'inflation.

L'an dernier, les intentions étaient de 2,9%, mais le résultat a été plutôt de 2,0%. «C'était le plus grand écart entre intention et réalité depuis le début de l'enquête, confie Michel Dubé, directeur, services-conseils de la firme.