La fermeture de plusieurs usines pharmaceutiques n'a pas seulement des conséquences sur les travailleurs de l'industrie. Ces fermetures contribuent aussi aux pénuries de médicaments qui se multiplient au Québec, touchant de plus en plus de patients.

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C'est en tout cas l'avis de plusieurs observateurs de l'industrie, qui pointent la rationalisation mondiale et le manque d'intérêt des compagnies pharmaceutiques envers les petits marchés pour expliquer les ruptures de stock qui s'additionnent de façon alarmante dans la province.

« Le Canada est un marché en décroissance en terme de dollars, alors que des marchés comme ceux de la Chine, de l'Inde et de la Russie ont des croissances de 25 %. Si tu es une compagnie, où tu investis? Où tu essaies de combler la demande ? «, demande Bertrand Bolduc, un pharmacien bien au fait des aléas de plus en plus chaotiques du marché des médicaments.

Dans ses installations de Saint-Hyacinthe, M. Bolduc a mis en place une branche d'affaires qui tente de pallier les pénuries en fabriquant des versions « maison « des médicaments dont les approvisionnements sont soudainement interrompus par les grands fabricants.

« On n'arrête pas. On a dû prendre des stagiaires et les employés font des heures supplémentaires «, dit M. Bolduc en guidant La Presse Affaires dans des labos sophistiqués où près de 80 travailleurs fabriquent crèmes, pilules et autres produits injectables dont manquent périodiquement les pharmaciens.

La bibliothèque de Galenova, le nom de l'entreprise de M. Bolduc, renferme des recettes permettant de fabriquer des milliers de médicaments différents. Tous les poudres, acides et autres ingrédients utilisés ici sont testés par des labos indépendants.

Les chiffres montrent bien pourquoi M. Bolduc est occupé.

En 2008, les pharmaciens québécois ont dû composer avec 38 épisodes de rupture de stock de médicaments. L'an dernier, le nombre a bondi à 116, une augmentation de 205 %. Et rien n'indique que les choses s'améliorent cette année.

« On voit de plus en plus de ruptures de stock, et elles sont de plus en plus longues «, confirme Diane Lamarre, présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, qui réclame carrément une stratégie nationale pour protéger les patients des aléas d'un marché de plus en plus incertain.

Dans le brouillard

Pourquoi une telle augmentation des ruptures de stock, qui touchent autant les médicaments d'origine que les génériques ? « Tout le monde est un peu dans la brume avec ça et je dois avouer que moi aussi «, admet Marc-André Gagnon, professeur adjoint à l'École d'administration et de politiques publiques à l'Université Carleton, qui s'intéresse à la question.

À son avis, le fait que les matières premières servant à fabriquer les médicaments proviennent de plus en plus de quelques fournisseurs concentrés en Inde et en Chine explique en partie le problème. La rationalisation mondiale serait aussi en cause. En s'avalant l'une l'autre, les multinationales ferment des usines et déplacent leur production, créant des interruptions qui finissent par se répercuter sur les patients.