On ne finira peut-être jamais de mesurer les effets pervers de la disparition des cours d'économie obligatoires au secondaire, autant pour la gestion du budget des ménages que pour la compréhension des grands enjeux de la société.

Heureusement, il existe quelques soins palliatifs, tel Théories économiques en 30 secondes, un ouvrage de synthèse beaucoup plus savoureux qu'une tasse de café en poudre, malgré son titre rébarbatif.

D'entrée de jeu, on nous fait valoir que l'économie, qui a la prétention d'expliquer comment sont produites et allouées les richesses, ne peut prétendre à l'exactitude de la physique ou de la chimie.

«Les humains sont moins prévisibles que les particules et les planètes» et «les théories scientifiques de l'économie se mêlent à celles de la politique et de la société active», lit-on dans la présentation.

Les concepts, les outils et les grandes figures qui sont présentés de manière didactique sous forme de fiches et de capsules sont étroitement circonscrits. Leurs limites et les grandes critiques qu'ils ont suscitées sont aussi traitées.

Huit chapitres

L'ouvrage est divisé en huit chapitres, comportant chacun un petit glossaire, les principaux concepts ainsi que la biographie express d'un grand théoricien de cette science incontournable de la vie démocratique.

Ainsi, le chapitre deux qui traite des systèmes économiques nous résume ce qu'est le capitalisme libéral (notre système), le socialisme de marché (auquel s'apparentent les modèles chinois et vietnamien), la planification centralisée (comme dans l'ex-Union soviétique), le mercantilisme (comme le Japon des années 50 ou Hong-Kong avant son rattachement à la Chine continentale en 1997), la thérapie de choc (la médecine de cheval pour combattre l'inflation) ou le consensus de Washington (la recette soi-disant miracle du Fonds monétaire international pour sauver un pays de la banqueroute).

Le glossaire en début de chapitre présente les grands concepts qui sont autant d'outils pour apprivoiser l'économie. Ainsi, dans le chapitre consacré aux cycles économiques, on définit ce qu'est la balance des paiements, la masse monétaire, une politique expansionniste, l'inflation et même la stagflation.

On aborde aussi des concepts plus récents qui témoignent de la préoccupation de plusieurs économistes, de gauche comme de droite, pour les comportements humains qui ne sont pas forcément rationnels comme le postulent les économistes classiques.

Ainsi, Hyman Minsky a eu l'intuition de prévoir que si tous les efforts sont faits pour assurer la stabilité financière, les agents économiques auront tendance à prendre trop de risques et à provoquer, ce faisant, l'instabilité. C'est précisément ce qui s'est produit lors de la crise de 2008 dont nous nous remettons à grand-peine. C'est ce qui l'a amené à affirmer que la stabilité est instable, une formule qui cache une réalité plus sombre: faut-il préférer des tensions perpétuelles à des cycles marqués par des crises violentes? Voilà une question qui ne sera sans doute jamais tranchée.

Dans le chapitre incontournable sur la croissance, on fait ressortir la différence entre le concept classique (tel que compris par Smith, Ricardo et même Marx), fondé sur les rapports entre le capital et la main-d'oeuvre, néo-classique (qui inclut le changement technologique), la nouvelle croissance qui implique la destruction créative (qui repose sur l'innovation et l'entrepreneuriat) ou les limites de la croissance car les ressources terrestres sont limitées alors que la population augmente tout le temps.

C'est avec le même souci de synthèse que sont abordés les écoles de pensée, le commerce international, les choix exercés par les consommateurs, les investisseurs et les décideurs, les budgets et leur financement ainsi que les marchés.

Les grands théoriciens

Dans chacun des huit chapitres, on consacre une fiche à un grand théoricien de la science économique, sa contribution et quelques données de sa personnalité. Ainsi, on précise que John Maynard Keynes, qui a compris le rôle contre-cyclique des dépenses publiques, était homosexuel, collectionneur d'arts et habile investisseur, tandis qu'Adam Smith, fondateur de la science économique à qui on doit la célèbre métaphore de la main invisible qui ne l'est plus du tout depuis l'hégémonie du capital financier, est resté célibataire et a vécu avec sa mère.

Chaque fiche est enfin émaillée de la citation d'un grand économiste, parfois prémonitoire. Celle de Robert Solow, dont les travaux ont porté sur la croissance: «Il n'y a aucune preuve que Dieu ait un jour décidé que les États-Unis d'Amérique devaient avoir un revenu individuel supérieur au reste du monde pour l'éternité.»

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Théories économiques en 30 secondes, collectif sous la direction de Donald Marron. Hurtubise. 160 pages.