Un Lacoste rouge. Un Lacoste noir. Ce sont deux des tenues portées par Anders Behring Breivik, qui a dit être le responsable du massacre perpétré dans l'île Utoya, en Norvège, dans lequel près de 70 personnes ont été assassinées vendredi dernier. Les images de l'arrestation de celui qui voue une haine à l'égard des musulmans ont fait le tour du monde. Comme les photos personnelles publiées sur Facebook.

Sur l'internet, hier, plusieurs (internautes comme journalistes) ont fait remarquer que Breivik portait la célèbre marque française Lacoste. The Telegraph, notamment, a rapporté qu'à la page 1406 du manifeste de 1500 pages que Breivik a publié avant la tuerie, il indique que Lacoste était sa marque de vêtements préférée.

Sitôt les gestes de Breivik médiatisés, Lacoste a verbalement «exprimé une énorme émotion» à son distributeur norvégien et fait savoir que toutes ses pensées «allaient aux victimes», a confié à La Presse Affaires un responsable français de la marque, joint en soirée. «Autrement, nous ne ferons pas de commentaires», ajoute-t-il.

La diffusion des photos est-elle dommageable pour la marque? Le fabricant devrait-il craindre une baisse de ses ventes? Devrait-il réagir publiquement? «Si les gens chez Lacoste sont malins, ils ne feront rien, répond Frédéric Metz, spécialiste des marques, chroniqueur et professeur en graphisme retraité de l'UQAM. Le mieux est d'être très discret. La majorité des gens comprennent que l'entreprise n'a pas fait exprès d'être associée à cette affaire.»

Jean-François Ouellet est du même avis: «Si j'étais de l'entreprise Lacoste, je serais tout sauf heureux, soutient le professeur de marketing à HEC Montréal. Mais les consommateurs sont capables de faire la différence entre la marque et Breivik. Les gens disent-ils que l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme est un mauvais établissement parce que le cardiologue Guy Turcotte y travaillait? Non. Lacoste est une marque suffisamment forte pour ne pas être égratignée. On ne parle pas d'un déferlement de terroristes qui portent tous du Lacoste. Si la marque était inconnue, il aurait été difficile de se relever de ça. Ici, la meilleure pratique est de ne rien faire.»

Frédéric Metz rappelle qu'un geste comme celui qu'a fait Air Canada, il y a 15 ans, soit d'envoyer des gens masquer son logo sur un de ses avions qui avait dérapé dans les arbres en tentant un atterrissage forcé et dont les images avaient largement été diffusées, n'était pas le meilleur qui soit. «Ça a été pire, estime-t-il, car on a parlé davantage de l'entreprise. On a l'air idiot à de tels moments.

«Et puis, il faudrait voir le nombre de personnes qui ont noté que Breivik porte des chandails Lacoste, ajoute-t-il. Souvent, ça passe inaperçu.»

Mais qu'un événement soit anodin ou important, une entreprise devrait toujours être prête à faire un commentaire publiquement, selon Sophie Merven, de la firme HKDP Communications et affaires publiques. «Un fabricant ne peut contrôler ce que les gens portent, souligne la directrice. Dans ce cas-ci, ce n'est qu'un vêtement que Breivik aime et ça s'arrête là. Cela dit, on conseille toujours à nos clients d'être prêts à répondre à des questions. Au cas où il y a une couverture médiatique importante. On peut préparer un communiqué de presse pour être prêt à aller de l'avant.»

Photo archives Reuters

Selon un expert du marketing, la majorité des gens comprennent que l'entreprise Lacoste n'a pas fait exprès d'être associée à l'affaire Anders Behring Breivik (qui porte un de ses chandails).