Le champion technologique du pays qui chancelle? Oui, ça rappelle les douloureux souvenirs de Nortel. Mais les deux situations sont différentes et il faut éviter de paniquer, a dit en substance hier le milieu de l'innovation canadien.

De Waterloo à Montréal, les acteurs du monde techno ont accueilli les suppressions d'emplois annoncées par Research In Motion avec calme, disant ne pas craindre un effet domino sur les autres entreprises.

«Ce n'est pas une belle nouvelle, mais on s'y attendait. Et le message que je reçois, ce n'est pas que ça menace notre industrie», dit Nicole Martel, PDG de l'Association québécoise des technologies.

Voir le géant canadien supprimer 2000 postes est loin d'être banal pour le milieu de la recherche canadien. RIM est l'entreprise qui investit le plus en recherche et développement de tout le pays. C'est aussi celle qui dépose le plus de demandes de brevet.

Dans la ville ontarienne de Waterloo, où est né RIM, on est bien placé pour mesurer l'impact du porte-étendard technologique canadien.

«Dans la communauté de Waterloo, il représente un employeur majeur, mais aussi une source d'inspiration pour tous les entrepreneurs qui veulent devenir le prochain RIM», dit Iain Klugman, président de Communitech, communauté technologique de la ville de Waterloo.

Mais même là-bas, l'heure était loin d'être à la panique, hier. Foires d'emploi, camps d'entrepreneuriat, rencontres entre les employés licenciés et d'autres entreprises du secteur: Communitech a déjà annoncé des mesures pour aider à canaliser le talent qui sort de chez RIM vers d'autres entreprises.

«Ces gens peuvent apporter une expertise et des compétences précieuses aux entreprises en démarrage qui cherchent à grandir», dit M. Klugman, indiquant que 360 des 800 entreprises technos de la région se déclarent en phase de «recrutement actif».

Un effet limité

Selon M. Klugman, l'effet domino des licenciements de RIM sur les autres entreprises du secteur sera limité.

«Ce n'est pas comme une usine d'automobiles qui exploite une plateforme d'assemblage et autour de laquelle gravitent plusieurs fournisseurs. L'industrie technologique a une chaîne de valeur beaucoup plus virtuelle», dit-il.

«J'ai quand même eu une petite pensée pour quelques entreprises québécoises qui font directement affaire avec RIM», a toutefois admis hier Nicole Martel, qui n'a pas voulu révéler lesquelles.

Avec Rogers, RIM est aussi l'une des rares entreprises canadiennes à avoir un fonds de capital-risque à son nom, dont la mission est d'investir dans les entreprises en démarrage. Mais le BlackBerry Partners Fund regroupe en fait plusieurs investisseurs, dont la Banque Royale, et représente une entité distincte de RIM. Les dirigeants du fonds ont confirmé hier que celui-ci ne sera pas touché par les coupes annoncées hier et pourra continuer son rôle de soutien aux petites entreprises.

Nicole Martel, de l'Association québécoise des technologies, incite aussi à la prudence avant d'enterrer RIM.

«Un, ils ne sont pas tombés et je ne pense pas qu'ils vont tomber. Deux, il y a une culture d'innovation vraiment exceptionnelle là-bas, ça transpire par tous les pores de la peau. Ça veut dire que les gens qui partent sont de grande qualité. S'ils ne sont pas éventuellement réintégrés chez RIM, on va les voir lancer leur entreprise ou contribuer à l'innovation ailleurs.»

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Ceux qui dépensent le plus en recherche et développement

1. Research In Motion: 1,1 milliard

2. Nortel Networks : 865 millions

3. BCE: 806 millions

4. TELUS: 653 millions

5. IBM Canada: 557 millions

Chiffres de 2009. Source : Research Infosource

Les cinq principaux demandeurs de brevets au Canada

1. Research In Motion (technologie) 495 brevets

2. Qualcomm Incorporated (technologie) 418 brevets

3. Procter & Gamble Company (divers produits) 273 brevets

4. F. Hoffman - La Roche AG (pharmaceutique) 257 brevets

5. Schlumberger Canada (équipement pour les pétrolières) 254 brevets

Source : Office de la propriété intellectuelle du Canada, rapport annuel 2009-2010