Que doit faire la Banque du Canada quand l'inflation trotte à son rythme le plus élevé depuis 2003, alors que le système financier européen et la croissance américaine gagnent en fragilité?

Prendre tout le peu de temps qu'il lui reste avant de reprendre la normalisation des taux d'intérêt, amorcée en juin 2010 et interrompue depuis octobre.

Voilà pourquoi elle reconduira ce matin son taux directeur, fixé à 1% depuis septembre dernier, même si la marche des prix est bien plus rapide que ce qu'elle entrevoyait dans son scénario d'avril, dont une nouvelle mouture sera présentée demain.

En mai, le rythme annuel de l'indice des prix à la consommation (IPC) a atteint 3,7%, un sommet depuis 2003. Pire, l'inflation de base (IPCX), qui exclut huit des composantes les plus volatiles de l'IPC comme l'essence, le transport interurbain, de même que les fruits et les légumes, a atteint 1,8%. Les autorités monétaires s'attendaient plutôt à 1,4% pour l'ensemble du deuxième trimestre.

En fait, 1,8% correspond à leur prévision pour le quatrième trimestre.

C'est dire que la poussée des prix est bien plus soutenue, en dépit de la force de notre monnaie qui contient en partie pourtant l'inflation des biens importés.

L'inflation est désormais présente partout, ce qui reflète une économie qui fonctionne près de son plein potentiel. La robustesse du marché du travail, tout comme la vigueur surprenante de la construction résidentielle, en témoigne.

Les coûts unitaires de main-d'oeuvre ont augmenté de 2,6% au premier trimestre, un reflet des difficultés des employeurs dans certaines industries de dénicher du personnel compétent. On est loin de la situation américaine où il manque encore près de sept millions d'emplois pour retrouver le nombre d'avant la récession, officiellement terminée il y a 25 mois!

La vigueur des mises en chantier, jumelée au sommet des prix sur le marché de la revente, selon l'indice Teranet-Banque Nationale, illustre que la faiblesse historique des taux d'intérêt incite les ménages à s'endetter et les institutions financières à courir un peu plus de risques.

Le meilleur moyen pour y remédier, c'est une hausse modérée du taux directeur qui permette aux ménages d'absorber les coûts accrus de leur dette hypothécaire par l'augmentation modérée de leurs revenus.

Pour que ce scénario idéal se concrétise, la Banque doit reprendre le resserrement monétaire plus tôt que tard.

Elle peut cependant attendre jusqu'en septembre ou octobre. D'ici là, bien des incertitudes se seront dissipées. On saura si l'Union européenne est parvenue à un accord sur l'épineuse crise de la dette grecque. On saura aussi si la classe politique américaine est parvenue à s'entendre sur un nouveau plafond de la dette américaine et, si oui, assorti de quelles modalités qui entraveront de manière durable la croissance de la première économie du monde.

En septembre, la Banque aura aussi pris connaissance des données de l'inflation pour les mois de juin et de juillet.

Les marchés parient encore que la Banque restera en touche d'ici la fin de l'année, alors que devraient être dissipés les grands risques qui pèsent aujourd'hui sur l'économie mondiale.

À moins qu'ils ne se concrétisent, c'est courir un autre risque, celui de hausses rapides et plus élevées qu'anticipé des taux pour contenir une inflation qu'on aura omis de juguler quand il était encore temps.