Le gouvernement britannique cherchait d'urgence lundi une porte de sortie pour repousser voire annuler le rachat du bouquet satellitaire BSkyB par Rupert Murdoch, un dossier désormais au coeur de la crise née du scandale des écoutes par un tabloïde du groupe.

Le gouvernement britannique a cédé lundi à des pressions grandissantes en renvoyant devant l'autorité de la Concurrence le dossier, devenu explosif, du rachat du bouquet satellitaire BSkyB par le groupe Murdoch, dont la conclusion se trouve ainsi retardée de plusieurs mois.

Le ministre britannique de la Culture, Jeremy Hunt, a annoncé devant le Parlement qu'il allait immédiatement soumettre l'opération à la commission de la Concurrence, une option qu'il avait jusqu'à présent écartée.

News Corp, le groupe de Rupert Murdoch, News Corp, avait annoncé juste auparavant qu'il retirait les concessions faites aux autorités pour obtenir leur feu vert, et acceptait de s'en remettre à cette commission.

Le groupe avait notamment proposé de séparer la chaîne d'information Sky News du reste de BSkyB pour répondre aux inquiétudes sur le pluralisme de l'information.

«Si l'on s'en tient aux critères légaux, l'offre de rachat ne conduira pas à conclure à un déficit de pluralisme en matière de presse», a assuré News Corp dans un communiqué.

Ces annonces quasi simultanées sont intervenues alors que l'opposition travailliste menaçait de faire voter mercredi une motion réclamant précisément le renvoi du dossier devant l'autorité de la Concurrence.

Les élus libéraux-démocrates, membres de la coalition mais aussi opposants déclarés de Rupert Murdoch, étaient susceptibles de voter ce texte et d'infliger ainsi un camouflet au premier ministre David Cameron.

Considéré comme un proche de M. Murdoch, auprès duquel il s'est publiquement affiché dans le passé, M. Cameron se trouve dans une position très délicate depuis les révélations sur l'ampleur des écoutes du News of the World.

Dernière en date, l'ex-premier ministre travailliste Gordon Brown aurait été lui aussi victime de telles écoutes lorsqu'il était ministre de l'Économie.

Selon The Independent, des détectives privés travaillant pour le tabloïd ont piraté sa messagerie et accédé à ses relevés bancaires, avant de remettre les informations obtenues à un autre journal du groupe.

Chargé du dossier, le ministre de la Culture avait fait savoir fin juin qu'un feu vert de sa part était imminent, mais la montée en puissance du scandale a bouleversé la donne.

Signe que l'horizon s'est obscurci sérieusement pour le groupe Murdoch, les investisseurs ont lourdement sanctionné le titre BSkyB à la Bourse de Londres, où il a perdu environ 15% depuis l'éclatement du scandale.

La fermeture du News of the World, qui a publié dimanche son dernier numéro après 168 ans d'existence, n'a pas provoqué l'électrochoc escompté par M. Murdoch, arrivé ce week-end à Londres pour reprendre les choses en main.

L'attention s'est dès lors concentrée sur le sujet qui, de l'avis général, tient le plus à coeur au magnat de la presse de 80 ans: la prise de contrôle des 61% de BSkyB qu'il ne détient pas encore.

Il veut bénéficier des formidables profits générés par le bouquet satellitaire pour financer sa stratégie britannique et imposer sa politique d'un accès payant aux journaux en ligne.

Un échec de cette opération à plus de 10 milliards d'euros signerait une défaite sans précédent pour News Corp, le groupe de M. Murdoch, soulignent les analystes. Et offrirait une victoire tout aussi éclatante à ses nombreux adversaires, qui ont accentué d'autant la pression sur David Cameron.

Quant à Rupert Murdoch, il s'est affiché ce week-end en compagnie d'une des figures les plus controversées du scandale, Rebekah Brooks, directrice générale des titres britanniques du groupe qui pourrait être bientôt entendue par la police. Car la chute de celle qui fut surnommée «la reine des tabloïdes» placerait en première ligne James Murdoch, l'héritier de l'empire.