De Foursquare à Groupon, les nouvelles entreprises en démarrage ne font plus qu'offrir un service innovateur: elles doivent le rendre ludique. C'est ce qu'on appelle désormais la gamification. Voyant là un outil efficace tant pour le marketing que pour la formation ou la gestion des ressources humaines, les grandes entreprises ne sont pas indifférentes à ce phénomène.

Appliquer des mécanismes de jeu à des situations de travail ou d'apprentissage n'a rien de bien nouveau. En fait, c'est l'application du principe behavioriste de la gratification et de l'atteinte des buts.

Ce qui est nouveau, c'est la création de systèmes technologiques permettant de déguiser en un jeu simple la plupart des processus d'affaires d'une entreprise: un employé ou un client qui accomplit une tâche précise marque des points, ou reçoit un écusson, dans un environnement virtuel où l'objectif est, essentiellement, d'en amasser le plus possible.

C'est cette nouvelle forme de jeu sérieux qu'on appelle, en anglais du moins, la gamification. «L'expression a gagné en popularité au cours de l'année 2010. Elle englobe des techniques inspirées du jeu vidéo qui peuvent être utilisées à des fins commerciales», explique Jean-René Bédard, Montréalais vivant à San Francisco, qui vient tout juste de fonder Gamify. Gamify offre aux entreprises des outils de jeu à des fins d'affaires: systèmes de pointage, de badges et de tableau d'honneur.

Des géants du commerce de détail et du divertissement, comme Disney et Nike, font partie des clients de M. Bédard. Ils ne sont pas seuls à le faire: les études prédisent que d'ici à 2015, les entreprises comme Gamify, spécialisées dans les outils d'affaires inspirés du jeu, généreront des revenus annuels atteignant 1,5 milliard de dollars.

Fidéliser clients et employés

Gartner prédit que 50% de l'innovation qui sortira des laboratoires de R-D nord-américains en 2015 sera le résultat direct de l'utilisation du jeu comme outil de travail.

«À travers le jeu, il est facile d'améliorer l'implication des travailleurs, de façonner leur comportement et de stimuler l'innovation. Pour fidéliser les clients ou pour améliorer la performance des employés, les bénéfices pour l'entreprise sont nombreux», estime Brian Burke, directeur de la recherche chez Gartner.

Inspirée de mécanismes qui ont permis à certaines entreprises en démarrage de connaître un succès inespéré, comme l'outil de géolocalisation mobile Foursquare, notamment, la gamification est particulièrement appréciée par les gens du marketing et de la publicité, puisque ça s'intègre bien aux réseaux sociaux, actuellement très populaires.

«Les entreprises espèrent transformer leurs clients en agents de promotion, sur des plateformes comme Facebook ou Twitter. Une telle promotion est beaucoup plus efficace qu'une bannière publicitaire ou un spot télévisé», note Jean-René Bédard.

Elles peuvent aussi appliquer ces mêmes techniques à l'interne, aidant à mieux intégrer les nouveaux employés ou à leur donner de la formation. «En situation de jeu, notre capacité de concentration est particulièrement plus élevée. Si le jeu est bien fait, tout le monde peut embarquer: jouer, c'est inné», note Mario Asselin, de la société Opossum, à Québec.

Spécialiste des technologies d'apprentissage, M. Asselin n'est pas surpris de voir les entreprises adopter des techniques qui ont déjà fait leurs preuves ailleurs. «En aviation, on a rapidement compris que la meilleure façon d'apprendre des sujets complexes était par la simulation. À l'autre extrême, il y a l'employé du mois dans chaque restaurant de la chaîne McDonald's. C'est une autre forme de récompense.»