Depuis l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire, les dirigeants de Radio-Canada craignent plus que jamais que le ciel leur tombe sur la tête. Ils peuvent maintenant plaider leur cause avec une étude affirmant que la société d'État rapporte plus à l'économie canadienne que ce qu'elle coûte aux contribuables.

«Nous savons maintenant que c'est un investissement rentable, qui vaut la peine d'être fait», s'est réjoui hier le président et chef de la direction de Radio-Canada, Hubert Lacroix, après avoir rendu publics les détails de cette étude commandée à la firme britannique Deloitte.

Deloitte a estimé que les dépenses annuelles de 1,7 milliard de dollars de Radio-Canada se traduisent par des retombées économiques de 3,7 milliards de dollars par année.

Si la société était privatisée, cette contribution serait moindre, notamment parce que la production de contenu canadien diminuerait. Deloitte estime donc à 2,4 milliards les retombées économiques d'une société privatisée.

La différence, soit 1,3 milliard, constitue l'apport économique net de Radio-Canada dans sa forme actuelle, conclut la firme.

C'est plus que la subvention annuelle de 1,1 milliard que verse Ottawa à Radio-Canada. Le budget annuel de la société (1,7 milliard) provient des fonds fédéraux (1,1 milliard), des revenus publicitaires (350 millions) et des revenus d'abonnements à RDI et autres services (250 millions).

Une méthode qui a ses limites

Deloitte a utilisé les multiplicateurs habituels pour calculer les retombées économiques de Radio-Canada, mais cette méthode a ses limites, selon François Colbert, professeur à HEC Montréal. «N'importe quelle dépense faite par n'importe qui génère des retombées économiques», a-t-il commenté.

Selon lui, les chiffres de l'étude «ne sont pas faux, mais ils ont zéro valeur». Tout ce qu'ils disent, c'est que Radio-Canada génère de l'activité économique. Ils ne justifient pas de lui donner une subvention de 1,1 milliard. «On pourrait prendre 1,1 milliard et ouvrir des restaurants, et ça créerait encore plus d'activité économique.»

Le professeur croit que Radio-Canada défendrait mieux sa cause auprès des Canadiens avec des arguments qualitatifs, plutôt qu'économiques.

Selon Hubert Lacroix, l'étude servira à alimenter les discussions sur Radio-Canada et aidera l'entreprise à mettre en oeuvre son plan stratégique lancé en février dernier. «Pour avoir des conversations éclairées, il faut des faits», a-t-il dit.

M. Lacroix a eu l'idée de faire appel à Deloitte en apprenant que la BBC lui avait commandé une étude pour chiffrer son impact économique. Il n'a pas voulu dire combien avait coûté le mandat.

«Par courtoisie», le grand patron de Radio-Canada a envoyé une copie de l'étude au ministre du Patrimoine, James Moore, il y a quelques jours. Il n'a reçu aucun commentaire de sa part.

Quebecor Media, qui pourfend souvent la radio et la télévision publiques, n'a pas non plus voulu commenter l'étude de Deloitte.