Alors que la bactérie Escherichia coli entérohémorragique (ECEH) fait rage en Europe et qu'on enregistre maintenant 18 décès en Allemagne, une biotech québécoise est en communication avec l'Europe pour accélérer les études cliniques, le processus d'approbation et la commercialisation d'une antitoxine permettant de guérir les gens infectés.

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«On est en contact avec des gens de haut niveau, soutient Didier Reymond, vice-président exécutif, développement clinique de Thallion Pharmaceutiques, sans préciser qui. On ne veut pas créer de faux espoirs, car notre produit n'est pas encore sur le marché, mais en développement. Cela dit, on est la seule entreprise au monde à développer les anticorps à un tel stade. La plus avancée dans le développement antitoxine. On veut indiquer aux gens en Europe où on en est rendus et savoir comment on peut les aider.»

Depuis l'an 2000, Thallion Pharmaceutiques conçoit et teste le Shigamabs, un produit pouvant combattre les toxines (shigatoxines) causant les diarrhées - mortelles dans plusieurs cas - qui accablent des milliers de personnes depuis le début du mois de mai dans plusieurs pays européens. La biotech de Dorval a investi jusqu'ici plus de 10 millions en recherche et développement.

«Shigamabs est le seul médicament ciblant les shigatoxines actuellement en développement clinique, dit Didier Reymond. Notre médicament agit par voix intraveineuses grâce à une dose administrée sur une heure. Une fois que la toxine est rendue dans le sang, ce qui est important, c'est de la neutraliser.»

Depuis novembre 2010, Thallion en est à la deuxième phase de ses études cliniques sur des enfants en Argentine, au Chili et au Pérou. «L'Argentine est le pays où il y a le plus de cas de complications au niveau des reins (syndrome hémolytique urémique)», note Didier Reymond.

La biotech prévoit entamer la troisième phase de ses études cliniques à la fin de 2012, dans les hémisphères Sud que Nord, tant en Amérique qu'en Europe.

Les shigatoxines (du nom du bactériologiste japonais qui les a découvertes - Kiyoshi Shiga) sont les toxines qui circulent dans le sang et qui peuvent attaquer les reins et le cerveau lorsque quelqu'un est infecté par des bactéries comme l'E. coli présentes dans l'intestin. «Elles causent des diarrhées sanglantes et des crampes, explique Didier Reymond. Environ 5% des patients infectés auront une insuffisance rénale, vont être hospitalisés et placés sous dialyse. En Allemagne, on arrive à 2000 cas d'infection. Plus de 350 personnes ont eu une atteinte rénale, donc se sont retrouvées à l'hôpital. Beaucoup d'entre elles vont garder des séquelles comme l'hypertension. En Allemagne, c'est aussi plus virulent. Plus d'adultes que la normale sont infectés, alors qu'habituellement, on note plus de cas chez les enfants.»

Comme on n'en est pas à la première éclosion dans le monde - le Québec a été touché pas plus tard qu'en avril dernier -, Thallion tient à faire savoir qu'un médicament existe. «Il faut se dire qu'il y a des groupes qui essaient de trouver des solutions», dit Didier Reymond.