Même si le huard faiblit cette semaine, il s'est apprécié tout de même de 6% environ depuis le début de l'année, au grand dam des manufacturiers exportateurs qui voient leur marge de profit grugée.

«Il ne faudrait pas pour autant exagérer l'effet du taux de change actuel sur la capacité de l'économie canadienne d'exporter, dans un contexte où la demande américaine augmente», assure Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale.

Pour soutenir cette affirmation, il a mesuré l'effet de l'appréciation du huard face au billet vert sur les bénéfices avant impôts, intérêts et postes extraordinaires de 18 segments du secteur manufacturier.

Il s'est servi des chiffres du quatrième trimestre sur lesquels il a mesuré l'effet de l'appréciation du huard depuis le début de l'année.

Seules les industries de l'automobile et du matériel électrique passeraient du noir au rouge tandis que les marges dans le papier, l'équipement de transport autre, les composantes de moteurs d'auto de même que le textile, vêtement et objets de cuir seraient réduites à moins de 1%.

Plusieurs segments poids lourds comme les minerais non métalliques, les produits chimiques, les produits informatiques et électroniques conserveraient une marge égale ou supérieure à 10%.

Les conclusions sont d'autant encourageantes que la Banque juge que le huard vient vraisemblablement d'atteindre son plafond à quelque 1,05$US d'équivalence. L'institution de la rue De La Gauchetière le voit faiblir lentement à compter de l'été jusqu'à un retour à la parité durant l'hiver. En moyenne, le huard devrait s'échanger contre 1,02$US en 2011.

D'autres institutions jugent aussi que le huard plafonne ou est sur le point de le faire. Hier, il a perdu des plumes pour la troisième journée d'affilée dans la foulée de la baisse du prix du pétrole.

Il existe présentement une prime de risque de 10 à 12 dollars le baril, associée aux tensions dans le monde arabe. C'est en partie ce qui dope le huard. À mesure que cette prime s'atténuera, le huard restera soutenu par la perspective que la Banque du Canada reprenne à l'été la normalisation de son taux directeur. Tout délai est susceptible de faire faiblir davantage notre monnaie.

Cela dit, M. Pinsonneault fait remarquer que les manufacturiers avaient augmenté leurs livraisons de 10% en rythme annuel, après deux mois au premier trimestre alors que le nombre d'heures travaillées a quant à lui progressé de 6%. Il y a donc gain de productivité qui donne de l'oxygène aux exportateurs.

L'effet du huard sur les marges bénéficiaires dépend à la fois de la proportion de la production d'un secteur qui est exportée et de la proportion des intrants qui est importée. Plus la première est élevée et plus l'effet mordant d'une monnaie forte se fait sentir. Et plus les intrants sont importés, plus le pouvoir d'achat du huard permet d'abaisser les coûts de production.

Dans cette dynamique, le segment de l'imprimerie est le plus avantagé puisque le prix du papier est libellé en billets verts alors que les ventes se font sur le marché canadien.

À l'opposé, la plupart de la production automobile canadienne est destinée au marché américain.

M. Pinsonneault s'était livré au même exercice avec les profits du deuxième trimestre de 2010, alors que le huard s'échangeait à 97 cents US en moyenne. En faisant une projection à 1,02$US, il concluait alors que plusieurs segments auraient de grands défis à relever. Outre ceux mentionnés dans sa mise à jour figuraient en bonne place le papier et les produits du bois. Grâce à de fortes hausses des prix depuis, ces deux segments sont désormais mieux en mesure de faire face à la situation.