L'accélération de l'économie canadienne durant l'automne et l'hiver s'essouffle au cours du printemps, mais se tonifiera quelque peu en seconde moitié d'année.

La Banque du Canada estime que l'économie a progressé de 4,2%, de janvier à mars, mais qu'elle va décélérer à 2,0% durant le printemps.

La tragédie japonaise, qui prive les usines d'assemblage d'autos de plusieurs composantes, explique en bonne partie le présent ralentissement. «Ces difficultés devraient réduire le rythme d'expansion de l'économie d'environ un demi-point de pourcentage au deuxième trimestre, mais l'activité perdue sera probablement récupérée dans les trimestres qui suivront», lit-on dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) publié hier.

Son scénario économique précise désormais que le rythme augmentera aux alentours de 2,7% durant les 12 mois suivants. Au final, l'expansion est évaluée à 2,9% cette année et à 2,6% l'an prochain.

Le nouveau scénario repose sur deux hypothèses: le dollar canadien s'échangera aux environs de 1,03$US tandis que le cours du baril de pétrole «devrait se maintenir aux alentours de 103 à 109$US» durant la période de projection.

C'est nettement plus élevé qu'un dollar au pair et un prix du brut de 95$US qui servaient d'hypothèses à son scénario de janvier.

Rappelons que la Banque n'a pas de cours cible. Pour le huard, elle projette son taux de change actuel, alors que, pour le prix du brut, elle se base sur la valeur des contrats à terme.

Selon ces hypothèses, les exportations autres que les biens de base ne pourront conserver leurs niveaux du tournant de l'année «du fait de la valeur persistante du dollar canadien». Les autorités monétaires précisent que la vigueur du huard «pourrait renforcer encore davantage les vents contraires auxquels notre économie doit faire face». En revanche, elle pourra atténuer les pressions inflationnistes.

La cherté de l'or noir dope le huard et gonfle le revenu intérieur brut réel (RIB), une mesure de la variation du pouvoir d'achat des ménages. L'augmentation du RIB est maintenant estimée à 4,7% cette année au lieu de 3,4% dans le scénario de janvier.

Voilà pourquoi la Banque relève de deux dixièmes de point l'apport de la consommation à l'expansion pour cette année et pour l'an prochain.

Si les cours du brut devaient revenir à leur niveau d'avant l'embrasement du monde arabe, alors la progression du RIB et de la consommation serait forcément moins élevée.

Les prix des produits de base (y inclut celui de l'or noir) resteront soutenus cependant grâce à la rapide expansion des économies émergentes.

«Les augmentations qui sont attribuables à la spéculation ou à des perturbations de l'offre, précise aussi la Banque, poussent les coûts mondiaux à la hausse. Comme les principaux partenaires commerciaux du Canada sont des importateurs de matières premières, la baisse de leur niveau d'activité déprimera la demande d'exportations canadiennes hors produits de base.»

Si c'est la demande mondiale qui pousse les cours à la hausse, alors nos manufacturiers exportateurs tireront quelque peu parti de l'essor économique. Seulement 10% de nos livraisons internationales prennent le chemin des pays émergents.

La Banque a par ailleurs diminué sa prévision de croissance de l'économie américaine (3,0% au lieu de 3,3%) pour l'année en cours. Cela ne favorisera pas nos exportations, pas même celles de pétrole dont les stocks atteignent un sommet à Cushing, en Oklahoma. «Les niveaux d'activité au pays ne profiteront vraisemblablement pas autant de la situation que lors des booms précédents causés essentiellement par l'expansion de l'économie américaine», lit-on dans le RPM.

La Banque croit que les taux d'inflation globale et tendancielle convergeront vers sa cible de 2% d'ici l'été 2012. Comme dans chaque RPM, elle prend soin de préciser que cela «intègre une réduction de la détente monétaire se réalisant progressivement au cours de la période de projection».

Le taux directeur, fixé depuis septembre à 1%, doit être neutre quand l'inflation atteint 2%, c'est-à-dire d'ici une quinzaine de mois. Quel est ce taux neutre? «C'est au-dessus de 2% (qui équivaut à un taux réel de 0%), mais moins de 4% (la moyenne historique), explique Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. Nous misons sur 3%, mais si la force du huard freine davantage la croissance et l'inflation que prévu, le taux pourrait se rapprocher davantage des 2%.»