D'entrée de jeu, le verdict du professeur John McCarthy est clair. «Je pense que M. Molson a fait une erreur», dit-il de son bureau à l'Université de Boston.

Le professeur en analyse de comportements à l'École de gestion de l'Université de Boston n'aurait pas conseillé au président du Canadien de Montréal, Geoff Molson, d'exprimer publiquement dans une lettre aux partisans son désaccord avec la Ligue nationale de hockey (LNH). Le circuit Bettman n'a imposé aucune sanction au joueur des Bruins Zdeno Chara pour sa mise en échec sur Max Pacioretty, qui a subi une sévère commotion cérébrale et une fracture à une vertèbre.

«Habituellement, on utilise ce genre de déclaration publique en dernier ressort, quand on a épuisé tous nos recours à l'interne. Peut-être était-il tellement choqué par la situation ou peut-être n'avait-il plus d'autre choix», dit John McCarthy, partisan avoué des Bruins de Boston qui joue au hockey deux fois par semaine dans une ligue amicale.

John McCarthy admire néanmoins le courage de Geoff Molson, une qualité recherchée chez un leader du milieu des affaires. «Nous admirons les leaders passionnés, capables de prendre des risques et d'être fidèles à leurs principes, dit-il. Geoff Molson a fait preuve de toutes ses qualités cette semaine. Il prend un risque d'exprimer son désaccord publiquement. C'est risqué, mais c'est courageux et ça démontre sa passion pour le hockey. Je ne suis pas d'accord avec sa décision, mais je comprends pourquoi les gens à Montréal aiment sa passion du hockey.»

L'attitude courageuse de Geoff Molson contraste avec celle de Jeremy Jacobs, propriétaire des Bruins de Boston, dont plusieurs joueurs ont subi de graves commotions cérébrales au cours des dernières saisons. «M. Jacobs est reconnu comme une personne qui ne fait pas de vague, dit John McCarthy. Il a fait le contraire de Geoff Molson. Certaines personnes le critiquaient à Boston parce qu'ils auraient aimé une réaction publique. On avait eu l'impression que les joueurs et l'organisation n'appuyaient pas Marc Savard quand il a été blessé. Peut-être que la réaction idéale aurait été entre celle de M. Molson et de M. Jacobs.»

Au Québec, les experts en leadership ont salué la sortie publique de Geoff Molson le jour même où le commissaire de la LNH, Gary Bettman, indiquait que la blessure de Max Pacioretty était «horrible» mais faisait «partie du jeu».

«Certainement qu'il a agi comme un leader, dit Laurent Lapierre, professeur à HEC Montréal et titulaire de la chaire de leadership Pierre-Péladeau. Si j'avais eu une suggestion à lui faire, je lui aurais dit d'écrire aux partisans, exactement comme il l'a fait. Les gens au Québec aiment le hockey, mais un incident comme celui-là crée un phénomène important de répulsion et Geoff Molson devait réagir.»

«Il a fait la bonne chose pour son entreprise, ses employés et ses partisans, dit Luc Bernier, codirecteur du Centre de recherche sur la gouvernance de l'École nationale d'administration publique. Il envoie le message que c'est lui le patron, que son entreprise est sérieuse et qu'elle veut du changement.»

Dorénavant, le président du Canadien de Montréal sera-t-il isolé dans le club sélect des propriétaires de la LNH ? Non, croient les deux professeurs québécois. «Dans cette ligue, quand le président du Canadien parle, il est quand même écouté, dit Luc Bernier. Le Canadien est l'une des vaches à lait de la LNH. En faisant cette déclaration, Geoff Molson réaffirme son statut dans la ligue.»

«Geoff Molson a posé un geste courageux avec lequel d'autres propriétaires de clubs sont d'accord, dit Laurent Lapierre. En même temps, il sait que son intervention ne changera pas grand-chose demain matin et que les changements prendront plusieurs années.»