La Banque centrale européenne a décidé jeudi de maintenir son principal taux directeur inchangé à 1%, mais pour combien de temps ? Telle est la question qui agite marchés et économistes.

Le ton affiché par son président Jean-Claude Trichet, lors de la traditionnelle conférence de presse à l'issue de la réunion mensuelle du conseil des gouverneurs de la BCE sur les taux, devrait éclairer les esprits.

«Nous attendons une conférence de presse dans un registre dur, en raison du contexte de prévisions d'inflation en hausse», estiment les économistes de Barclays Capital Research.

M. Trichet pourrait même laisser entendre que certains membres du conseil des gouverneurs ne jugent plus le niveau actuel des taux approprié et que la décision n'a pas été prise à l'unanimité, poursuivent-ils.

Poussée par les prix de l'énergie et des matières premières, l'inflation a encore accéléré en février dans la zone euro, à 2,4% après 2,3% en janvier, selon une première estimation de l'office européen des statistiques Eurostat.

Dans le même temps, l'activité dans le secteur manufacturier en zone euro se porte mieux, le chômage diminue et la reprise économique s'étend même aux pays les plus durement frappés par la crise, laissant penser que la politique monétaire de la BCE est désormais trop accommodante.

«La BCE s'inquiète des effets ultérieurs, avec des employés réclamant des hausses de salaire pour compenser leur perte de pouvoir d'achat, enclenchant ainsi une spirale salaires-prix», notent Christoph Weil et Jörg Krämer de Commerzbank.

La semaine dernière, l'économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark, avait prévenu que l'institution monétaire agirait «rapidement et de manière décisive» si son objectif d'une inflation proche mais inférieure à 2% à moyen terme s'avérait compromis.

Pour autant, les économistes n'attendent pas une hausse imminente de ses taux même si les marchés, eux, ont spéculé allégrement sur cette éventualité après la déclaration de M. Stark et celles, dans la même veine, d'autres responsables.

«La hausse des taux de la BCE se rapproche», estime Jean-Luc Proutat, de BNP Paribas, qui ne l'anticipe toutefois pas avant le quatrième trimestre.

Ses confrères de RBS et UBS tablent sur un changement au cours du troisième trimestre. «Très probablement en septembre», estime RBS, soit avant que M. Trichet, dont le mandat à la tête de la BCE arrive à échéance fin octobre, ne cède la place à son successeur.

Selon les économistes, la croissance en zone euro reste encore trop balbutiante et la situation de certaines banques trop précaire pour que la BCE abandonne dès à présent sa politique d'argent bon marché sans s'exposer à un retour de bâton.

«La situation macroéconomique de la zone euro ne suggère pas (de cycle de resserrement monétaire) avant la seconde moitié de 2012», juge même Cédric Thellier, de Natixis.

«En outre, la situation sur les marchés (de la dette souveraine et du secteur bancaire) pourrait encourager la BCE à rester prudente dans sa stratégie de sortie de ses mesures non conventionnelles», juge-t-il encore.

Les déclarations de M. Trichet seront en effet guettées sur ces thèmes. RBS s'attend à le voir annoncer des changements dans sa politique de prêts illimités à taux fixe aux banques de la zone euro.

La BCE devrait en revanche annoncer la poursuite de son programme de rachat d'obligations publiques entamé au printemps 2010, et qu'elle n'opère pas de bon coeur. Le mois dernier, elle n'a d'ailleurs procédé au rachat que d'un milliard d'obligations publiques.

Outre ses nouvelles prévisions d'inflation, l'institution monétaire doit aussi actualiser ses prévisions de croissance.