Les entreprises québécoises en sont encore à leurs premiers balbutiements dans l'univers des médias sociaux, et c'est encore plus vrai quand il s'agit du site de microblogage Twitter. Mais tôt ou tard, elles devront s'y mettre, estiment des spécialistes.

«Ça commence. Il y a un gros questionnement là-dessus actuellement. On sent qu'il y a un intérêt», constate Bruno Guglielminetti, directeur de la communication numérique au cabinet de relations publiques National.

Les entreprises d'ici qui possèdent un compte Twitter et qui l'animent sont encore peu nombreuses. Et certaines de celles qui en ont un ne gazouillent pour l'instant qu'en anglais.

C'est notamment le cas de la papetière Domtar (@DomtarPaper), du fabricant de jouets Mega Brands (@megabrands) et de Cascades (@CascadesTissue).

Pour sa part, le Cirque du Soleil (@Cirque et @CirqueClub) ne gazouille que très rarement en français: il ne l'a fait que quatre fois au cours de la dernière année.

«On fait des commentaires en français lorsque le public que nous visons se trouve sur un territoire francophone», explique une porte-parole du Cirque, Chantal Côté, en soulignant qu'à peine trois pour cent des abonnés à la page Facebook de l'entreprise sont francophones.

Bombardier Aéronautique (@Bombardier-Aero), a commencé à gazouiller en français la semaine dernière. Sa société mère, Bombardier (@BombardierInc) tweetait déjà, de temps à autre, dans la langue maternelle de son fondateur.

«Toutes les nouvelles qui concernent le Québec ou les informations qui sont d'intérêt pour nos abonnés québécois, ça va être fait de façon bilingue, mais la plupart des tweets (de Bombardier Aéronautique) seront encore en anglais», affirme une porte-parole de l'avionneur, Haley Dunne.

Chez Mega Brands, on envisage de gazouiller en français plus tard cette année, indique Geneviève Lebrun, vice-présidente au marketing et au développement des affaires.

Du côté de Cascades, le seul compte Twitter actuellement en fonction est piloté depuis les États-Unis et vise principalement une clientèle anglophone. Plus tard cette année, le fabricant de produits de papier recyclé entend inviter certains de ses employés à gazouiller, que ce soit pour informer ses actionnaires que pour afficher des postes à pourvoir.

«Il faut d'abord que ce soient des gens qui ont le désir de le faire, qui sont intéressés par le média et qui le maîtrisent bien», fait remarquer Hubert Bolduc, vice-président aux communications et aux affaires publiques.

En débarquant sur Twitter, l'entreprise croit qu'elle sera mieux placée pour réagir à une éventuelle crise en matière de réputation.

«Si quelqu'un décide t'attaquer ton entreprise, si tu n'es pas déjà présent (sur Twitter), si tu n'es pas fonctionnel, comment veux-tu être capable de corriger rapidement le tir?» relève M. Bolduc.

SNC-Lavalin et la Libye

Au cours des derniers jours, le géant de l'ingénierie SNC-Lavalin (@SNCLavalin) s'est d'ailleurs servi de Twitter pour répondre à ceux qui dénonçaient sa participation à la construction d'une prison en Libye.

C'est ainsi que mardi, l'entreprise montréalaise a tenu à attirer l'attention sur le fait qu'elle était à «élaborer un plan environnemental pour nettoyer un lac très pollué» dans le pays d'Afrique du Nord.

Dans un autre registre, SNC a recouru à Twitter pour rassurer les proches de ses employés en Libye. C'est sur le réseau social, plutôt que sur son site Web ou par le biais d'un communiqué de presse, que la compagnie a publié des mises à jours sur l'évacuation de son personnel et annoncé la fin de l'opération, mardi.

Air Canada (@AirCanada) utilise abondamment Twitter pour interagir avec ses clients, qu'ils soient satisfaits ou non de leur expérience avec le transporteur. De plus, l'entreprise ne manque pas de prévenir ses quelque 10 000 abonnés lorsque des retards ou des annulations de vols sont à prévoir. Et comme elle est régie par la Loi sur les langues officielles, elle le fait généralement en français et en anglais.

Tous les comptes Twitter d'entreprise n'ont pas le même succès. Le plus populaire émanant du Québec est probablement celui du Cirque du Soleil, avec plus de 95 000 abonnés.

D'autres, comme celui de Bombardier, avec plus de 3600 abonnés, de Desjardins (@MvtDesjardins), avec plus de 2000, et de Vidéotron (@Videotron), avec plus de 1900, font bonne figure. Mais souvent, le phénomène reste marginal: même si Canam fait figure de pionnier dans le domaine des médias sociaux, son compte Twitter (@GroupeCanam) ne compte que 162 abonnés.

Celui de Saputo (@SaputoInc), avec une cinquantaine d'abonnés, et celui de Couche-Tard (@couchetardqc), avec une trentaine, n'ont encore que bien peu d'impact.

Il faut dire que malgré une croissante fulgurante, Twitter regroupe beaucoup moins d'usagers que Facebook dans la population en général. Selon le CEFRIO, à peine 11 pour cent des internautes québécois utilisaient Twitter en 2010, alors que la moitié d'entre eux étaient présents sur Facebook. Plusieurs entreprises choisissent donc de privilégier ce dernier réseau.

On peut toutefois se surprendre que de grandes entreprises comme la Banque Nationale, la Banque Laurentienne, Transat, Cogeco, AbitibiBowater et Tembec demeurent pour l'instant absents de Twitter.

«Compte tenu de ce que tu veux faire, tu vas employer un canal plutôt qu'un autre», convient Claude Beauregard, conseiller principal, Internet et médias sociaux, au Mouvement Desjardins.

«Avec l'éclatement des plateformes, je peux comprendre que plusieurs ne savent pas trop par où prendre ça, ajoute-t-il. De là peut-être le retard que certains prennent. Mais dans le cas de plus grandes entreprises, (...) c'est peut-être un peu plus difficile à expliquer.»