La Banque du Canada a reconduit son taux directeur à 1% hier. Même si elle se dit encouragée par le redressement de l'économie canadienne, elle craint les répercussions de la crise financière en Europe sur la reprise mondiale, sans compter les effets de la crise qui secoue le monde arabe.

«La reprise au Canada se déroule légèrement plus vite que prévu», a précisé la Banque dans un communiqué. En outre, les exportations ont été favorisées par le regain d'activité aux États-Unis, principal débouché pour les produits canadiens. N'empêche, la force du dollar et la «piètre tenue du Canada au chapitre de la productivité relative» pourraient miner cette embellie. Quant à l'inflation, elle demeure conforme aux prévisions.

Préoccupations

Mais c'est surtout l'état de l'économie mondiale qui préoccupe la Banque et son gouverneur, Mark Carney. La reprise suit son cours aux États-Unis, mais la situation financière de certains pays européens, notamment l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, demeure «une source considérable d'incertitude».

À cela s'ajoutent les prix élevés des produits de base tels que les métaux et le pétrole, alimentés par la demande des pays émergents. Le prix de ces produits pourrait connaître un sursaut avec les troubles politiques qui secouent les pays arabes. D'ailleurs, les effets de la grogne populaire commencent déjà à se faire sentir chez nous: le prix de l'essence a bondi, ces derniers jours, à mesure que les manifestations ébranlaient le pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi en Libye, grande productrice de pétrole.

Dans ces circonstances, il aurait été surprenant que la Banque du Canada modifie son taux directeur, conviennent les experts. Tous les analystes que Bloomberg avait sondés s'attendaient au statu quo.

«On voit qu'il y a encore beaucoup de zones grises au niveau des perspectives économiques mondiales et il y a encore des zones grises chez nous, constate Benoît P. Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins. On a eu un rebond, c'est encourageant. Mais en même temps, on voit le dollar canadien s'apprécier. Ça jette une ombre sur l'évolution du secteur extérieur canadien.»

En gelant son taux directeur pour la quatrième fois consécutive depuis septembre, la Banque du Canada a d'ailleurs précisé que toute hausse devra être «évaluée avec soin».

«Il n'y a aucune indication qu'une hausse du taux soit proche, souligne l'économiste senior Michael Gregory, chez BMO Marché des capitaux. Nous jugeons que la Banque attend des preuves que la performance économique des États-Unis soit assez forte et durable pour que les exportations canadiennes puissent soutenir la croissance économique, peu importe le niveau du huard.»

Il ne s'attend à aucun redressement du taux directeur avant juillet. M. Durocher, du Mouvement Desjardins, prévoit pour sa part un resserrement du crédit à partir du mois de mai.