Le sommet des ministres des Finances et des banquiers centraux ce week-end en France aura permis de montrer les divergences majeures qui subsistent dans la conduite de la diminution des déséquilibres mondiaux ayant donné lieu à la Grande Récession.

Pour mettre la table aux discussions, la Banque de France a ouvert les pages de sa Revue de la stabilité financière aux 20 banquiers centraux membres du sélect aréopage.

Certaines contributions ont peut-être le mérite de mettre en lumière certaines facettes d'une problématique qui n'en manque pourtant pas.

Ainsi, selon Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada, la dernière décennie a apporté deux changements structurels à l'économie mondiale dont les conséquences ont été mesurées tardivement par les autorités. Il y a d'abord l'intégration de la Chine, de l'Inde et d'autres pays à l'économie mondiale dont la population a ainsi plus que triplé. L'ouverture de ce marché agrandi a fait passer de 9% à 20% la part des exportations dans le produit intérieur brut (PIB) mondial.

S'en est suivie une intégration plus étroite de l'économie réelle et du secteur financier de sorte que les chocs de l'un se transmettent à l'autre plus rapidement. Et vice-versa.

Ben S. Bernanke, présenté par la Revue comme le président du Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve américain, en fournit un exemple probant. Il démonte pièce par pièce la mécanique infernale qui a déclenché la crise financière puis la récession de 2008-2009.

Il revient sur la fameuse énigme de son prédécesseur Alan Greenspan: pourquoi les taux d'intérêt sur les obligations du Trésor venant à échéance dans 10 ans n'augmentaient pas entre 2003 et 2007 alors que le taux directeur de la Fed est passé de 1% à 5,25% durant la même période? «Plus des trois quarts des avoirs en titres américains détenus par les pays en situation d'excédent d'épargne étaient constitués de dette notée AAA, alors que ces catégories ne représentent que 36% de l'encours des titres américains», constate-t-il.

Il rappelle que les Européens se sont aussi entichés de titres américains, même s'ils n'avaient pas d'épargne excédentaire. Pour les acquérir, banques et États ont emprunté, souvent à l'étranger. «Les investisseurs européens semblent avoir plutôt ciblé un portefeuille plus risqué que celui détenu par les pays en situation d'excédent d'épargne, poursuit-il.

Mais comme l'offre était insuffisante et que les Européens recherchaient une note de crédit sûre, on leur a structuré des titres pour les attirer. «La volonté de répondre à la demande d'actifs sûrs des investisseurs internationaux a été un facteur déterminant dans le processus qui a permis de transformer des prêts risqués en titres bien notés», poursuit M. Bernanke avant de conclure: «L'interaction entre fortes entrées de capitaux et faiblesses du système financier national peut produire des effets non souhaités et dévastateurs.»

C'est précisément ce que veulent éviter quelques pays émergents. Les entrées de capitaux «sont potentiellement déstabilisatrices, soutient Henrique de Campos Meirelles, gouverneur de la Banque centrale du Brésil. L'expérience a montré que les afflux de capitaux peuvent se traduire par une volatilité du taux de change, un excès de crédit et des bulles de prix des actifs».

De son côté, le gouverneur de la Banque populaire de Chine s'est attaqué aux critiques voulant que les pays d'Asie ne développent pas assez leur marché national en privilégiant l'épargne, ce qui attiserait les déséquilibres mondiaux. La Banque du Canada est tenante active de cette thèse.

M. Zhou Xiaochuan attribue à des facteurs culturels et structurels le goût des Asiatiques pour l'épargne et à un sentiment d'euphorie la faiblesse de l'épargne américaine. «Il n'existe pas de relation causale significative entre les comportements d'épargne et de consommation des États-Unis et ceux d'Asie de l'Est», soutient M. Zhou qui prône le renforcement de la réglementation des mouvements internationaux de capitaux spéculatifs.

Du choc des idées jaillit la lumière, veut l'adage qui ne précise cependant pas quand...