Que faire avec une population vieillissante alors que bien des travailleurs n'épargnent pas assez, que la plupart des régimes de retraite sont en partie insolvables, que l'espérance de vie augmente et que les gens partent à la retraite avant 65 ans?

Au colloque organisé hier par le Fonds de solidarité (FTQ), en collaboration avec l'Institut du Nouveau Monde, les participants ont pu constater l'ampleur des enjeux, la difficulté des choix qu'il faudra faire au plus tôt, car la situation présente est intenable.

Claude Lamoureux, ex-président et chef de la direction de Teachers', la plus grande caisse de retraite canadienne avec un actif qui dépasse les 100 milliards, a mis la table pour un débat instructif, mais douloureux.

La démographie s'est transformée depuis qu'ont été mis en place les grands régimes à prestations déterminées publics et privés. En 1960, une femme de 65 ans pouvait espérer vivre jusqu'à 81,1 ans. En 2000, c'était 85,3 ans. Pour les hommes, on est passé de 78,6 ans à 81,5 ans.

Et ça continue d'augmenter.

Or, il y a moins de soldats pour cotiser. En 1970, on comptait 10,1 participants actifs chez Teachers' par retraité, c'est aujourd'hui un et demi.

À son avis, la survie des régimes passe par l'augmentation de l'âge de la retraite et par un partage de risques entre les actifs et les retraités. Aux Pays-Bas, on y est arrivé: l'indexation de la rente n'est versée que lorsque la capitalisation du régime le permet.

Ici, on est loin de là. Dans le secteur privé, les employeurs ne veulent plus assumer le risque d'insolvabilité qui s'est aggravé avec la débâcle boursière de 2008 et avec la chute constante des taux d'intérêt à long terme des obligations fédérales tout au long des années 2000.

Voilà pourquoi le président de la FTQ Michel Arsenault préconise la valorisation du régime de retraite public, en faisant passer le revenu maximum admissible de quelque 47 000$ à 62 000$ et le taux de couverture de 25% à 50%. La contribution des employés et des employeurs passerait alors progressivement de 9,9% à près de 17%. «Je suis scandalisé que les employeurs veuillent se soustraire à leur obligation sociale en ce qui a trait la retraite», a-t-il lancé.

L'actuaire en chef de la Régie des rentes, Pierre Plamondon, a rappelé que le régime public équivalait à 4% de la taille de l'économie alors que c'est plus de 10% en France ou en Italie. Il a fait valoir les avantages de bonifier le régime, compte tenu de son efficience, mais il faudra d'abord et vite hausser les cotisations pour en assurer la viabilité à long terme. Elles devront grimper jusqu'à 11% avant même de penser à quelque bonification qui devra, le cas échéant, être entièrement capitalisée.

Michel Saint-Germain, partenaire et actuaire chez Mercer, a plaidé en faveur de la responsabilité individuelle de la préparation de la retraite. Il a indiqué que le régime actuel couvre bien les plus pauvres tandis que les revenus élevés ont les moyens d'assurer leur retraite. Le problème actuel résiderait dans la tranche de revenus de 50 000$ à 70 000$ qui paraît mal sensibilisée aux vertus de l'épargne.

Les participants, largement issus des milieux syndiqués, ont peu apprécié, ce qui a fait dire au président du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc, chargé de clore le colloque: «Qui a dit que les questions actuarielles ne pouvaient pas être émotives?»